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Dessins 18e s.

Autoportrait avec figures

GOIS Etienne-Pierre-Adrien

Paris, 1731-1823

Autoportrait avec figures

Plume et encre noire, lavis gris

H. 16,7 cm L. 20,8 cm

Don Monlezun, 1986

Inv. 1986-1-2

Notice complète

Ce dessin est sans doute l'un des plus spectaculaires parmi les dessins conservés au musée de Tours. Il s'agit en fait d'une véritable œuvre autonome, dans laquelle l'utilisation d'une technique propre au dessin, celle de la juxtaposition de motifs au gré du remplissage de la feuille, devient, par l'usage fait d'une composition cohérente, un mode de représentation propre.

Le visage de Gois, au centre, désormais vieillard, rappelle celui de l'autoportrait également conservé au musée de Tours. L'emploi de techniques variées, toutes de haut degré d'élaboration, permet de diversifier les approches. On notera les contrastes entre les riches lavis de la partie centrale et l'emploi de la plume dans les parties périphériques (notamment celle de la rangée supérieure), selon une technique qui rappelle beaucoup celle de l'eau-forte.

Ces dernières semblent devoir être rapprochées, dans l'œuvre de Gois, des représentations des "passions", d'états intérieurs, genre en vogue depuis les publications de Charles Le Brun sur ce thème. Le genre est d'autant plus couru qu'il fait l'objet d'un concours à l'Académie royale de peinture et de sculpture, celui de la "tête d'expression" fondé par Caylus en 1759. Ainsi Gois expose en 1767 un buste représentant La douleur.

Certaines figures, à commencer par l'autoportrait, illustrent bien un état méditatif. Le traitement graphique quasi identique des autres personnages tend à provoquer une assimilation de leur statut, d'autant plus qu'ils semblent tous correspondre à des types bien caractérisés. Ainsi pour l'homme à la calotte, au-dessus de Gois, aux yeux de furieux; mais aussi de tous ces visages au regard lointain, de face, de trois quart, de profil, notamment ceux de vieillards enturbannés ou non, qui évoquent Rembrandt ou Fragonard. A cette dimension psychologique s'associe une autre, où la veine morale se fait comique. L'exemple le plus probant est bien évidemment celui du fou en haut à droite. Il tient sa marotte à la main, et son caractère moral est corroboré par l'inscription "en me voiant vous vous voiez".


On se situe ici bien près d'un genre très estimé depuis la Révolution française : la caricature. L'œuvre joue donc sur la superposition d'au moins trois schémas. Le premier, propre au dessin, est la simple juxtaposition de motifs. Le deuxième correspond à la représentation de l'humanité présentée dans sa variété et d'un individu qui en relève et qui s'en détache, sous le regard plus ou moins appuyé de certains de ses représentants (ici les personnages du registre du centre). Le troisième est l'évocation de l'univers intérieur d'un être et des figures qui le hantent. Chez Gois, il s'agirait de la figure de l'artiste menacé par ce qui l'habite et le fait vivre : les personnages nés de sa propre imagination.