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18e siècle

Sylvie fuyant le loup qu'elle a blessé, 1756

BOUCHER François

Paris, 1703 - Paris, 1770

Sylvie fuyant le loup qu'elle a blessé, 1756

Huile sur toile

H. 123,5 cm ; l. 134 cm

Saisie révolutionnaire, château de Chanteloup, 1794

Inv. 1794-1-2

Notice complète

Ecrit par le Tasse au XVIe siècle le poème dramatique Aminta, fut publié en français à Paris en 1734 et inspira à Boucher quelques années plus tard une série de quatre tableaux : Sylvie soulageant Phylis d’une piqûre d’abeille, Sylvie délivrée par Aminta, Sylvie fuyant le loup qu’elle a blessé et Aminta revient à la vie dans les bras de Sylvie (cat. n°7). Les deux premières compositions sont probablement celles signalées en 1787 dans le Guide des Amateurs et Etrangers voyageurs à Paris, à l’Hôtel de Toulouse, alors propriété du duc de Penthièvre et siège actuel de la Banque de France où elles se trouvent encore aujourd’hui. Le guide de 1787 précisant même que ces tableaux décorent la chambre de la princesse de Lamballe, belle-fille du duc. Les deux autres tableaux sont conservés au musée de Tours depuis 1794, date de leur saisie au château de Chanteloup, On a longtemps pensé que cette série avait été commandée à François Boucher par le duc de Penthièvre, mais Jean Vittet dans une étude récente a révélé de manière tout à fait probante que cette série avait vraisemblablement été peinte pour Madame de Pompadour, pour servir de dessus-de-porte au château de Crécy. La marquise achète Crécy en 1746, à partir des années 1750 des travaux importants, extérieurs et intérieurs, y sont effectués, et en 1756 année de la réalisation de ces quatre tableaux de Boucher, Madame de Pompadour fait modifier le décor peint du grand salon, dans lequel sont posés quatre dessus-de-porte peints par Boucher qui sont selon Jean Vittet « sans doute les quatre tableaux relatifs à l’histoire d’Aminte du Tasse » . Un an plus tard la marquise vend le château de Crécy au duc de Penthièvre.

L’on retrouve la trace de Sylvie fuyant le loup, et de son pendant Aminta revient à la vie dans les bras de Sylvie dans un petit catalogue anonyme publié en 1786 sur les Tableaux de la galerie du Château de Châteauneuf-sur-Loire. Dans cet ouvrage Sylvie est mentionné ainsi : « Thysbé poursuivie par une louve ». Cette même année le duc de Penthièvre achète le château de Chanteloup à la duchesse de Choiseul. Une note sur l’inventaire révolutionnaire de Châteauneuf-sur-Loire présente un intérêt de première ordre pour l’historique de ces deux tableaux. Le texte indique : « Note des tableaux qui étoient à Châteauneuf et qui ont été portés au château de Chanteloup. Scavoir… François Boucher. Deux tableaux dont l’un représente Thysbé poursuivie par une louve. L’autre représente Renaud dans les bras d’Armide, tous deux de forme ronde et dans leur bordure… Un autre peint sur toile représentant Apollon visitant Eglé sous la figure de feu la dame Pompadour». Cette note confirme que ces trois tableaux de Boucher conservés au musée de Tours connurent le même parcours historique, réalisés très vraisemblablement pour le château de Crécy, ils furent ensuite apportés à Châteauneuf-sur-Loire, peut-être après 1775, date de la vente de Crécy par Penthièvre au prince de Montmorency, puis firent partie des collections de Penthièvre au château de Chanteloup jusqu’en 1794. Sur l’inventaire de 1794 ils sont localisés dans un des cabinets du château : « .. trois tableaux de Boucher, représentant, l’un un Apollon et les autres des nymphes, le tout avec leurs bordures dorées ».

Le thème de ces quatre tableaux emprunté à l’Aminte rappelle que le 26 février 1749 fut jouée dans le théâtre des petits cabinets à Versailles une pastorale héroïque s’inspirant librement du poème du Tasse, Silvie, sur un livret de Pierre Laujon, mis en musique par M. de La Garde, maître de musique des enfants de France, les ballets avaient été réglés par Dehesse. Madame de Pompadour y tenait le rôle titre, elle portait une « jupe de taffetas blanc peinte en feuillages et argent avec campannes de mosaïques en peintures et paillettes. ». Dans ses mémoires le duc de Luynes écrit : « le sujet est entièrement d’imagination… les paroles sont fort jolies et la musique charmante. C’est un des plus jolis divertissements que l’on ait joués jusqu’à présent dans les cabinets. Il paraît que tout le monde en est content. » (8). Cette pastorale fut jouée une seconde fois le 5 mars. Ces peintures de Boucher permettent sans doute à la Marquise d’immortaliser la période heureuse de son pouvoir à Versailles. Dans cette série l’artiste illustre les épisodes marquants de cette intrigue racontant les amours du berger Aminte et de Sylvie l’une des nymphes de Diane. Sylvie fuyant le loup, illustre la scène I de l’acte IV.

L’invention décorative de François Boucher, son plaisir manifeste à représenter avec une grande sensualité le corps de la jeune Sylvie, s’épanouissent avec bonheur dans ce tableau. La forêt est un piège, les frondaisons des arbres s’entremêlent mais la belle nymphe, lumineuse, semble flotter avec aisance au centre de la composition, symbole vivant d’une liberté qu’aucune entrave ne peut retenir.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008

© MBA Tours, cliché Gérard Dufresne