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18e siècle

Portrait d’Etienne Benoist de la Grandière  (Tours, 1733-1805)

DELORGE Jacques, dit le chevalier Delorge

Aix-en Provence, 1733 – Dunkerque, après 1786

Portrait d’Etienne Benoist de la Grandière (Tours, 1733-1805)

Huile sur toile

174 x 134 cm

Achat de la Ville de Tours, 1786

Inv. : 1947-44-1

Notice complète

Jacques Delorge, peintre de l’Académie de Marseille est présenté par le duc de Vauguyon au Dauphin, futur Louis XVI en 1771, Le Mercure de France se fait l’écho de cette rencontre : « M. de Lorges peintre de l’Académie de Marseille, Amateur honoraire a eu l’honneur d’être présenté à Mgr le Dauphin .. et vient de lui offrir un dessin allégorique sur son mariage… cet artiste joint au génie de la belle composition le brillant d’un coloris enchanteur ». Après cette entrevue Delorge travaille au service du dauphin et porte le titre de « peintre du dauphin et de la dauphine ». Il expose aux Tuileries le premier portrait de la nouvelle reine La reine en Diane donnant des ordres à un retour de chasse. Jacques Delorge manifestement a continué de peindre pour les nouveaux souverains dès leur accession au trône mais peu d’œuvres lui sont attribuées aujourd’hui avec certitude. Un Portrait de Marie-Antoinette d’Autriche reine de France est passé en vente en 1999 (dessin à la pierre noire et à la sanguine vendu à Uzès), et un portrait au pastel de la Comtesse d’Artois est conservé dans une collection particulière. Ce portrait, daté de 1781, est signé : chev [chevalier] Delorge.pictor Regine., cette mention confirmant la position de Delorge en tant que peintre de la reine. Le musée national du château de Versailles conserve une aquarelle représentant Le navire Comtesse du Barry construit est armé à Bordeaux en octobre 1772. Cette œuvre commémore l’inauguration d’un navire portant le nom de la favorite, nouvelle bienfaitrice de l’armée française. Le musée promenade de Marly-le-Roi conserve une aquarelle gouachée de la même composition. Delorge était également miniaturiste, en témoigne une miniature passée en vente à Londres en 2006.

Portrait d’Etienne Benoist de la Grandière (Tours, 1733-1805)

L’histoire de la commande de ce portrait, représentant le dernier maire de Tours sous l’ancien régime, est exceptionnellement bien documentée grâce aux pièces officielles, conservées aux Archives municipales de Tours, qui la retracent de manière assez pittoresque. L’initiative de cette commande revient à l’échevin Grignon, qui souhaitait honorer et remercier ainsi Etienne Benoist de la Grandière. Le 9 janvier 1786, au cours d’une assemblée extraordinaire présidée par M. Grignon et profitant de l’absence du premier magistrat, en déplacement à Chanteloup, il est décidé que compte tenu : « des grands et importants services [que le maire] rend continuellement à la ville, particulièrement pour avoir obtenu dans sa dernière députation la liberté de passage des vins pour les colonies, l’avituaillement des vaisseaux et les provinces des cinq grosses fermes ; le renouvellement de la franchise des foires pour six années avec l’extension du privilège de la franchise à toutes sortes de marchandises…M. Simon échevin…a aussi rendu compte à la Compagnie des travaux immenses de monsieur le maire…en témoignage de l’attachement, du respect et de la reconnaissance que la compagnie porte à M. le maire elle fera faire à ses frais le portrait de M. le maire qu’elle fera placé dans une des salles du nouvel Hôtel de ville qui portera pour inscription les mots : Vir amator civitatis [l’homme qui aime ses citoyens] ». Le 11 février suivant Etienne Benoist de la Grandière adresse une lettre aux membres de cette assemblée pour les remercier : « votre délibération est pour moi un titre d’honneur et de noblesse que je vais regarder comme le titre le plus précieux que je puisse transmettre à ma famille». Quelques lignes plus loin Benoist de la Grandière s’inquiète cependant d’une distinction onéreuse pour la ville et demande à ce conseil d’y renoncer, ajoutant par ailleurs que jamais la ville n’avait fait faire, à ses frais, le portrait de ses maires. Onze jours plus tard au cours d’une nouvelle réunion municipale il est cependant décidé : « comme il y a actuellement en cette ville un peintre qui a parfaitement réussi dans différents portraits et que c’est une occasion qu’il est intéressant de ne pas laisser échapper… en conséquence M. le maire sera de nouveau prié, sollicité, pressé et même supplié d’avoir la complaisance de se laisser peindre pour satisfaire les sentiments de la compagnie et répondre aux témoignages qu’elle veut lui donner de sa reconnaissance ».

Jacques Delorge, de passage à Tours, réalise donc ce portrait qui est terminé le 30 juin, date à laquelle il signe une quittance de la ville pour le paiement de ce tableau.. Le peintre indique : « Je reconnais avoir reçu de M. Simon le jeune, échevin de cette ville, la somme de sept cent vingt livres pour mes honoraires du tableau représentant Monsieur de La Grandière, maire, dont quitte ». Delorge précise même le détail de cette facture : « En argent 720 livres, une boîte de couleur achetée à Paris 21 livres 12 sous, plus à Chardon, tapissier, 51 livres, total 792 livres 12 sous ». Cette pièce d’archives est signée : J. Le chev. Delorge, l’artiste affirme son titre de chevalier sur ce document, mais ne le mentionne pas sur le tableau contrairement à ce qu’il avait fait notamment en 1781 sur le portrait au pastel de la Comtesse d’Artois.

Le maire est représenté en pied, portant le costume de sa fonction, l’ample manteau rouge recouvrant une robe noire. Le foulard blanc noué autour du cou est judicieusement écarté pour laisser visible le collier aux armes de Tours, que l’on retrouve peintes au premier plan sur le drapé fleurdelisé. Benoist de la Grandière appuie sa main droite sur un livre sur le plat duquel on peut lire : Privilèges de la ville de Tours .- et sur le dos : Foires franches .- Passage des vins. Le visage fin, spirituel et empli de douceur de cet homme se retrouve sur un buste en plâtre patiné le représentant, conservé également au musée de Tours.

Fils de Louis Benoist de la Grandière, avocat qui fut également maire de Tours de 1768 à 1771, Etienne suit des études de droit à Orléans. Reçu avocat il occupe à Tours les fonctions de juge assesseur à la maréchaussée, conseiller royal au bailliage et procureur du roi aux Eaux et Forêts. Maire de la ville à partir de 1780, il oriente son action sur le développement économique et urbanistique de Tours. Il rétablit les foires franches, source de richesses importantes pour la ville, et obtient un édit accordant la liberté de navigation sur la Loire. Il soutient la fondation de l’école gratuite de dessin, destinée en particulier à fournir de nouveaux modèles aux soyeux de Tours. Epaulé par l’Intendant du Cluzel, Etienne Benoist de la Grandière participe à l’essor urbanistique de la ville. Dès 1780 sont élevés à l’entrée du nouveau pont, le palais de justice et l’hôtel de ville, le maire fait également surélever les bords de Loire pour éviter les dommages liés aux crues. Annobli par Louis XVI en 1787, il joue un rôle de plus en plus important au sein des assemblées provinciales. Le mandat de Benoist de la Grandière cesse le 21 juillet 1789, l’ancien corps de ville étant remplacé par un comité provisoire.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008