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18e siècle

Le Baptême du Christ

LAGRENEE dit le Jeune Jean-Jacques

Paris, 1739 - Paris, 1821

Le Baptême du Christ

Huile sur toile

249,5 x 148 cm.

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010

Inv. : 1803-1-31

Notice complète

Elève de son frère aîné Louis Lagrenée qui avait été formé dans l’atelier de Carle van Loo, Jean-Jacques Lagrenée après avoir obtenu le second prix de Rome en 1760, rejoint son frère à Saint-Pétersbourg puis séjourne en Italie de 1765 à 1769. Agréé à l’Académie royale dès son retour en France, il sera reçu en 1775 comme peintre d’histoire sur présentation de l’Hiver, grand tableau constituant l’un des compartiments du plafond de la galerie d’Apollon (Paris, musée du Louvre). Il effectue une carrière académique, nommé professeur adjoint en 1776 puis professeur cinq ans plus tard au sein de l’institution, et bénéficiant comme ses rivaux Durameau, Callet, Suvée et Berthélémy, de commandes régulières de la part de la Direction des Bâtiments du Roi, soucieuse d'encourager le Grand Genre. Si parmi ces artistes, Lagrenée est manifestement le plus productif, en témoigne le nombre impressionnant d’œuvres qu’il présente au Salon entre 1771 et 1804, il faut admettre qu’il est sans doute celui qui fait preuve du moins d’originalité. Son œuvre oscille entre les leçons reçues des artistes des générations précédentes, on peut même y déceler une certaine forme de plagiat, et les bouleversements apportés par le néoclassicisme.

Son talent sera en revanche particulièrement novateur dans le domaine de l’art décoratif. Nommé directeur artistique de la manufacture de Sèvres en 1785, poste qu’il occupe jusqu’en 1800, il participe par ses créations néoclassiques au renouvellement de la manufacture.

Le Baptême du Christ

Après avoir longtemps pensé déchiffrer la date de 1768 à côté de la signature de Lagrenée, la restauration de l’œuvre en 1998 a permis de lire sans hésitation celle de 1763, date qui permet de situer avec exactitude et dans un contexte précis la réalisation de ce tableau. L’on sait qu’après avoir rejoint pendant trois ans son frère Louis-Jean-François à Saint-Pétersbourg, nommé premier peintre de l’Impératrice Elizabeth de Russie, Jean-Jacques Lagrenée, rentre à Paris en 1763 afin de concourir une nouvelle fois au Grand Prix, finalement supprimé cette année là. Le Baptême du Christ a donc été très vraisemblablement réalisé à Paris à cette période charnière où l’artiste tentait, après des années de formation, d’obtenir ce Prix, raté de peu trois ans plus tôt, et qui lui aurait permis d’être pensionnaire de l’Académie de France à Rome.

L’œuvre est révélatrice de l’évolution de la peinture religieuse dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Dépouillé de tout superflu, l’œuvre se veut simple, mesurée, presque austère. Lagrenée dans cette composition pyramidale montre son attachement aux modèles du siècle précédent et en particulier à ceux empruntés à Le Sueur. L’artiste modèle ses figures sans grande originalité et dans la tradition issue des pratiques de l’Académie. Le chromatisme sobre, en accord avec le sujet, est réveillé par les drapés au coloris raffiné de l’ange.

Ce dépôt de l’Etat consenti en 1803 au musée de Tours, sera affecté cinq ans plus tard à l’Archevêché en réponse à une demande du préfet. En 1808, lors du passage à Tours de l’armée française en route vers l’Espagne, Bonaparte loge dans les appartements de l’Archevêché. Cet événement a été préparé plusieurs semaines à l’avance par le Grand maréchal des logis, l’archevêque Monseigneur de Barral et le préfet Lambert qui conviennent que pour décorer ces appartements il était nécessaire d’emprunter au musée plusieurs tableaux. Six peintures seront déposées pour cette occasion, dont L’Arrivée en Egypte d’Henri de Favanne et cette oeuvre de Jean-Jacques Lagrenée. « Il avait été convenu que les tableaux prêtés seraient rendus aussitôt après le passage effectué comme il devait y avoir retour de Bonaparte par Tours les tableaux restèrent en place à l’archevêché ». Le Baptême du Christ de Lagrenée ne rejoignit pas les collections du musée mais passa de l’Archevêché à la cathédrale Saint Gatien de Tours où il se trouve encore aujourd’hui. L’installation du tableau dans les fonts baptismaux de la cathédrale a peut être été effectuée en juillet 1825, date à laquelle les fonts actuels ont été mis en place par l’architecte Etienne Pallu.

L’histoire de ce tableau avant 1803 est assez imprécise, s’agit-il d’une commande, ou d’un exercice de l’artiste alors qu’il est encore élève de l’Académie ? Ce Baptême du Christ pouvait être celui passé en vente en 1777 sous cette mention : « Lagrenée le jeune de 7 pieds 8 pouces [248,4 cm] de haut, Baptême de Jésus-Christ en trois figures comme nature ». Cette hypothèse est vraisemblable car la restauration effectuée en 1998 a révélé que le format de l’œuvre avait été modifié à plusieurs reprises et que la hauteur d’origine correspondait à celle du tableau passé en vente en 1777. Une large bande de toile, avait été ajoutée dans la partie inférieure du tableau agrandissant l’œuvre aux dimensions précisées par l’inventaire de 1803, cette bande fut ensuite légèrement rognée afin que le tableau puisse être placé dans le retable des fonts baptismaux de la cathédrale de Tours. Enfin, la dernière restauration a supprimé ce rajout permettant à l’œuvre de retrouver ses dimensions d’origine.

Jean-Jacques Lagrenée a traité ce thème quelques années plus tard pour deux autres compositions, présentées au Salon en 1773 et 1781.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008