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18e siècle

La Poésie

FOUCHE Nicolas

Troyes, 1653-Paris, 1733

La Poésie

Huile sur toile

110 x 81 cm

Saisie révolutionnaire au château de Chanteloup, 1794

Inv. : 1947-4-1

Notice complète

Nicolas Fouché, fils du modeste peintre Léonard Fouché, sera l’un des élèves de Pierre Mignard, né à Troyes comme lui. Certains biographes ont émis l’hypothèse que les deux familles étaient apparentées. Nicolas Fouché séjourne vraisemblablement en Italie puis est reçu à l’Académie de Saint-Luc à Paris le 15 mars 1679. Peu de toiles de cet artiste sont aujourd’hui localisées et son œuvre est majoritairement connue par une vingtaine d’estampes gravées par Louis Desplaces, Benoît Audran, Gérard Edelinck, James Johnson… Les quelques peintures répertoriées, en particulier Pomone (Budapest, musée des beaux-arts) Vénus à la coquille (collection particulière) ou encore le Portrait de Marie de Lorraine duchesse de Valentinois (Saint-Lô, musée des beaux-arts) révèlent une manière souple et raffinée marquée par l’influence de Mignard mais aussi par les artistes bolonais, notamment celle de Guido Reni.

La Poésie

Saisi à la Révolution au château de Chanteloup, ce tableau curieusement n’est mentionné dans aucun inventaire des différents propriétaires qui se sont succédés dans ce lieu au XVIIIe siècle. Il est cité pour la première fois dans celui rédigé le 27 ventôse de l’an II, au moment de la saisie. Les différents inventaires révolutionnaires qui vont suivre celui-ci, puis les catalogues de collection du musée de Tours publiés tout au long du XIXe siècle, ont toujours considéré cette allégorie de la Poésie comme pendant d’un second tableau représentant l’Architecture. Les dimensions identiques et les sujets complémentaires, ainsi qu’une composition proche ont justifié cette association. Dans la publication qu’il a consacré aux collections des peintures du XVIIe siècle du musée de Tours en 1982, Robert Fohr a le premier souligné les dissemblances existants entre ces deux œuvres. Il classe la Poésie parmi les œuvres anonymes de l’école française, tout en suggérant une attribution à un artiste de l’entourage de Mignard et note que l’Architecture ne peut avoir été réalisé par le même artiste.

La typologie de la Poésie est certes proches des productions de Louis de Boulogne et explique la raison pour laquelle ce tableau lui fut longtemps attribué mais c’est à l’occasion de l’exposition Chanteloup. Un moment de grâce autour du duc de Choiseul, présentée au musée de Tours en 2007 que David Brouzet a reconnu dans cette composition la main de Nicolas Fouché. Cette attribution est d’autant plus précieuse que les œuvres de cet artiste, sont très rares. Dans un article il a expliqué l’origine de la commande de ce tableau qui fait partie d’une suite illustrant les « arts libéraux » pour le cardinal de Polignac, réalisée probablement dans les toutes premières années du XVIIIe siècle.

L’inventaire des biens du cardinal de Polignac dressé de son vivant, en 1738, dans son hôtel parisien de la rue de Varenne mentionne : « les huit arts de Foucher de trois pieds de haut sur deux pieds et demi de large, tous peints sur toile avec bordure de bois doré sculpté aux quatre coins de 5 pouces de large ». Cette suite allégorique commandée par une personnalité importante, membre de l’Académie et éminent diplomate, ambassadeur à Rome pendant près de dix ans, chargé en particulier des affaires de France auprès du Saint-Siège, était jusqu’à la découverte de David Brouzet considérée comme disparue. Le tableau de Tours revêt donc un intérêt particulier. Par comparaison avec les quelques œuvres sûres de Nicolas Fouché, on retrouve dans la Poésie, la manière élégante et raffinée de l’artiste, brillant coloriste qui sait à merveille utilisée subtilement des couleurs fortes. La qualité que l’on reconnaît à la Pomone de Budapest tient notamment à la superbe couleur clémentine du drapé. De la même manière la tunique jaune safran et corail de la Poésie, capte l’attention. Le visage rond de l’allégorie, le menton creusé par une fossette, les yeux aux paupières bien ourlées, sont communs également aux quelques tableaux connus de l’artiste. L’on retrouve ces mêmes visages sur les estampes réalisées d’après les œuvres aujourd’hui perdues de Fouché, Circé, ou encore La baigneuse. La mise en page est aussi caractéristique, fermée sur la gauche et en revanche largement ouverte sur le ciel et un horizon bleuté qui permet de valoriser la figure de l’allégorie. Le tableau, qui possède la grâce des œuvres de l’Albane, révèle à quel point Fouché fut marqué par les artistes bolonais.

La Poésie semble être actuellement la seule toile retrouvée de cette commande importante pour le cardinal de Polignac. David Brouzet l’a cependant mise en relation avec une série de quatre tableaux, copiée d’après les originaux conservés dans une collection particulière et représentant la Peinture, la Sculpture, la Musique et la Poésie. Curieusement deux autres tableaux d’après Fouché sont aussi conservés dans cette collection, l’un d’après la Pomone de Budapest et le second d’après la Baigneuse connue par l’estampe de Louis Desplaces.

Les recherches n’ont pas permis de lever tout le mystère de ce tableau. Comment la Poésie est t’elle passée des collections du cardinal de Polignac à celles de Chanteloup, et à quelle date ? l’œuvre faisait-elle partie des collections du duc de Choiseul ? elle semble cependant répondre plus précisément au goût du duc de Penthièvre qui aurait pu apporter ce tableau à Chanteloup en 1786. Elle n’apparaît pas de manière précise sur l’inventaire du duc effectué en 1787, sauf à considérer que l’on peut l’identifier avec l’œuvre mentionnée dans son appartement « dans la pièce intermédiaire entre la salle à manger et le salon au-dessus de la glace de la cheminée : un tableau avec une figure de femme représentant le génie entourée de moulure peinte en blanc ». On sait en revanche que c’est dans cet appartement, situé au premier étage du château, que l’oeuvre sera saisie. Mais on peut aussi s’interroger sur le fait qu’il y avait à Chanteloup cette œuvre de Nicolas Fouché et une copie d’un autre tableau de la suite des « arts libéraux » L’Architecture. Cette copie peinte par une main anonyme est le seul témoignage que l’on possède aujourd’hui de cette allégorie dont l’original n’est pas localisé.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008