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18e siècle

Le Centenier prosterné aux pieds de Jésus et lui demandant la guérison de son serviteur

JOUVENET Jean

Rouen, 1644 - Paris, 1717

Le Centenier prosterné aux pieds de Jésus et lui demandant la guérison de son serviteur

Huile sur toile

356 x 245

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010

Inv. : 1803-1-11

Notice complète

Issue d’une grande famille d’artistes, dont il sera le plus brillant représentant, Jean Jouvenet s’initie à la peinture à Rouen dans l’atelier de son père Laurent Jouvenet le Jeune. Il entre à partir de 1661 à l’Ecole de l’Académie royale, et poursuit sa formation dans le cercle de Charles Le Brun. Sept ans plus tard il collabore à des chantiers importants, au château de Saint-Germain, à la galerie des Tuileries, puis à Versailles. En 1673, il peint pour la corporation des orfèvres le Mai de Notre-Dame, Jésus et le paralytique (détruit), tableau remarqué et qui assure sa réputation. Reçu à l’Académie royale en 1675 sur présentation d’Esther et Assuérus (musée de Bourg-en-Bresse), Jouvenet après avoir peint des scènes mythologiques et décoratives, pour Versailles mais aussi pour des hôtels particuliers à Paris, notamment pour des plafonds, se consacre essentiellement à la peinture religieuse à partir des années 1685 et devient véritablement le principal représentant dans ce genre en France. Il exécute des œuvres au format imposant pour les églises parisiennes, mais aussi pour les congrégations religieuses et les églises de province. Ses puissantes et démonstratives compositions seront largement diffusées par l’estampe qui atteste du grand succès de son œuvre auprès de ses contemporains.

Il occupe différentes responsabilités au sein de l’Académie et sera nommé directeur de l’institution royale en 1705 puis recteur en 1707.

Le Centenier prosterné aux pieds de Jésus et lui demandant la guérison de son serviteur

L’Envoi par le Museum Central de ce tableau avait été accepté dès 1803, mais son état nécessitait une restauration importante qui va retarder son départ pour le musée de Tours. L’œuvre entre enfin dans les collections du musée trois ans plus tard.

Peint en 1712 pour l’église des Récollets à Versailles, pour laquelle Jouvenet avait exécuté quatre ans plus tôt l’une de ses plus intéressantes compositions, La Résurrection du fils de la veuve de Naïm (Versailles, cathédrale Saint-Louis), ce tableau appartient aux œuvres ultimes de l’artiste. Antoine Schnapper souligne que dans le premier tableau peint pour les Récollets s’exprimait « le meilleur des qualités de Jouvenet …rarement idéalisme et réalisme se sont-ils aussi bien confondus », Schnapper ajoute : « Le Christ et le Centenier, peint quatre ans plus tard pour le même couvent, un peu étouffé par les architectures ne sera pas réussi au même degré ». Il semble difficile de comparer ces deux œuvres peintes pour le même lieu mais d’esprit si différent, La Résurrection du fils de la veuve de Naïm est bruyante, les personnages manifestant avec exaltation leurs sentiments, en revanche Le Centenier aux pieds du Christ est une œuvre silencieuse, empreinte de recueillement.

Clément de Ris (1820 - 1882) note que ce tableau de Jouvenet est « vivement empreint des qualités et des défauts qui se font remarquer dans tous ses ouvrages. Adresse merveilleuse, composition facile et quelquefois heureuse ; dessin lâché et commun…peinture de chic, en un mot… Le Christ et les figures qui l’entourent sont lourdes et gauches ; mais comme pour mettre sa signature sur le tableau, Jouvenet a détaché au second plan une tête de cheval admirable de finesse et de transparence ».

La composition clairement organisée, présente un caractère monumental amplifié par l’architecture aux lignes puissantes qui domine la composition. L’œuvre peut sembler froide presque austère, par l’importance même laissée à cet ensemble minéral, caractéristique de l’œuvre de l’artiste, qui bouche tout l’arrière plan et par l’expression retenue de ses personnages. Ces différents éléments font que la composition manque certes de respiration mais Jouvenet montre ici une fois encore que dans la querelle qui opposait partisans de la couleur et ceux du dessin, il se pose en intermédiaire. Fidèle à la tradition classique il est également un savant et subtil coloriste maniant en particulier avec bonheur l’une de ses couleur favorite, le bleu de cobalt. L’artiste qui fut aussi un brillant portraitiste, réalise sur cette composition plusieurs belles figures et en particulier « ces belles têtes de vieillards très typiques de sa production » mentionnées par Schnapper. Dans cette œuvre Jouvenet réaffirme son admiration pour Poussin, le modèle de ses débuts, à ce titre Schnapper a évoqué l’emprunt direct pour la représentation du cavalier au Martyre de Saint Erasme peint par Poussin vers 1628 pour Saint-Pierre de Rome (Rome musée du Vatican).

Ce tableau présente des analogies étroites de mise en page avec une composition de même sujet proposée en 1686 par Louis de Boulogne pour le May des Orfèvres mais qui ne fut pas retenue.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008