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18e siècle

Portrait de Mademoiselle Sallé

VAN LOO Louis-Michel

Toulon, 1707- Paris, 1771

Portrait de Mademoiselle Sallé

Huile sur toile

117,5 x 90, 5 cm.

Dépôt de la direction des musées de France, le 29 mai 1952

Inv. : D. 1953-2-9

Notice complète

Elève, comme ses deux frères, de son père Jean-Baptiste (1684-1745), Louis-Michel Van Loo obtient le premier prix de Rome en 1725, et part en Italie en 1727. C’est auprès de son frère François et de son oncle Carle que se déroulera ce long séjour en Italie. Il rentre à Paris en 1732 et sera reçu à l’Académie Royale un an plus tard comme peintre d’histoire sur présentation d’Apollon et Daphné (Paris, E.N.S.B.A.). C’est pourtant en tant que portraitiste que Louis-Michel Van Loo obtiendra le plus de succès, c’est aussi dans ce genre qu’il excellera le plus, faisant preuve d’une finesse psychologique particulièrement sensible en particulier dans ses portraits de famille, comme en témoigne le tableau de Louis-Michel Van Loo et sa sœur devant le portrait de leur père (Versailles, musée national du château et de Trianon). A la suite de Jean Ranc il devient le portraitiste de la Cour d’Espagne, fonction qu’il occupera de 1737 à 1753 et qui lui vaudra d’être comblé d’honneurs par Philippe V. Il prit en Espagne, une part active à la création de l’Académie de San Fernando dont il deviendra le premier directeur en 1751. A la mort de Philippe V il rentre en France et réalise le Portrait de Louis XV en costume de sacre, (original disparu) et succède à Carle Van Loo comme directeur de l’Ecole des Elèves protégés.

Portrait de Mademoiselle Sallé

Née dans une famille de bateleurs, Marie Sallé grandit au sein de la troupe de comédiens ambulants que son père dirigeait. Dès l’âge de neuf ans cette enfant de la balle se produit, aux côtés de son père acrobate et de son frère danseur, sur les tréteaux des foires. Elève de Mademoiselle Prévost (voir portrait par Raoux) elle danse pour la première fois sur la scène de l’Académie royale de musique en 1721, dans les Fêtes vénitiennes, puis part à Londres avec son frère et danse avec lui plusieurs saisons au Lincoln’s Inn Fields, dans des ballets pantomimes. De retour à Paris, elle est engagée à l’Opéra et fait ses débuts dans Les Amours des dieux. Son art libre et novateur va se heurter très tôt à celui de Marie-Anne de Camargo, élève également de Mademoiselle Prévost. Marie Sallé associe en permanence danse et pantomime, son art possède des qualités narratives et la danseuse se montre en effet plus soucieuse d’expression que de technique, en s’inspirant de ce qu’elle a appris enfant sur les planches du théâtre de la foire. En 1732, elle retourne à Londres où ses tentatives réformatrices sont mieux acceptées, son amitié avec Voltaire lui permettra d’être professeur auprès de la famille royale d’Angleterre. En 1734 elle présente à Londres son Pygmalion, ballet dans lequel elle apparaît sur scène sans robe à panier et sans perruque, les cheveux déliés. Elle est alors la première danseuse à se présenter sans ces artifices et recevra à ce titre les louanges de Jean-Georges Noverre (1727-1810, créateur du ballet moderne), dont elle préfigure en quelque sorte les réformes. Dans ses Lettres sur la danse il écrira : « Elle ne possédait ni le brillant ni les difficultés qui règnent dans celle [la danse] de nos jours, mais elle remplaçait ce clinquant par des grâces simples et touchantes, exempte d’affèterie…. Sa danse voluptueuse était écrite avec autant de finesse que de légèreté, ce n’était point par bonds et par gambades qu’elle allait au cœur ». Marie Sallé quitte l’Académie en 1740, faisant uniquement des représentations à la Cour jusqu’en 1752. Cette décision brutale est sans doute liée à l’arrivée sur la scène parisienne d’une nouvelle ballerine italienne, Barbara Camparini, La Barbarina, dont on loue la virtuosité et la nouveauté.

L’identification de ce tableau peint par Louis-Michel Van Loo est justifiée en comparaisons des différents portraits connus de la danseuse, en particulier celui peint par Nicolas Lancret (château de Rheinsberg), le pastel de Quentin La Tour, vers 1741 (collection Gulbenkian) ou encore le tableau de Louis Tocqué, peint l’année précédant le décès de la danseuse. Mais le visage de Marie Sallé nous est connu aussi par l’estampe, c’est sans doute celle gravée par Petit d’après Jean-César Fenouil qui offre les traits les plus proches de ceux que nous retrouvons sur le portrait de Van Loo.

Marie Sallé n’est pas représentée sur scène sur ce tableau de Louis-Michel Van Loo mais probablement dans sa loge de l’Opéra. Certains détails de son costume semblent évoquer deux rôles dans lesquels la danseuse s’est particulièrement distinguée. La guirlande de fleurs rappelle probablement le Ballet des fleurs dans Les Indes Galantes de Rameau créé en 1735, et dans lequel Marie Sallé personnifiait la Rose ; l’aigrette et le voile de mousseline suggèrent L’Europe galante de La Motte et Campra créé en 1736, la danseuse y tenait le rôle d’une sultane. La datation de l’œuvre, réalisée un an plus tard par Van Loo permet de confirmer cette iconographie. On peut même imaginer que le peintre a sans doute commencé ce tableau en 1736, bien qu’il porte le millésime de 1737, puisque l’on sait que le 15 janvier de cette même année, Van Loo part pour Madrid. L’œuvre est séduisante par son sujet et par le raffinement des accessoires et la manière délicate de les traiter, cependant comme l’a souligné Pierre Rosenberg on peut regretter de ne pas retrouver dans ce tableau « la finesse d’observation psychologique propre aux portraits de Louis-Michel Van Loo ». L’artiste, on le perçoit bien a été plus attaché à rendre, à travers ce portrait, ce que Auguste Boppe appellera un « Orient d’atelier ».

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008