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18e siècle

La Déification d'Enée

LE CLERC Sébastien II

Paris, 1676 - Paris, 1763

La Déification d'Enée

Huile sur toile

157 x 179,5 cm.

Dépôt du musée national du château de Versailles et de Trianon, 1951

Inv. : D. 1951-3-2

Notice complète

Fils de Sébastien le Clerc, graveur et professeur de géométrie et de perspective à l’Académie royale, Sébastien II étudie auprès de lui le dessin et les règles de la perspective puis fut l’un des élèves de Bon Boullogne. Agréé à l’Académie royale en janvier 1704 il est reçu comme peintre d’histoire, six mois plus tard sur présentation de La déification d’Enée. L’ensemble de son œuvre montre l’attachement de l’artiste aux leçons de Bon Boullogne en particulier dans ses sujets mythologiques. Mais son style se distingue par des visages aux traits assez enfantins et un peu étranges très caractéristiques comme en témoigne Achille reconnu à la cour de Lycomède (Brest, musée). Sébastien II Le Clerc répondra à des commandes religieuses, il réalise La mort de Saphire pour le may de 1718 (église Saint-Germain-des-Près) puis reçoit en 1720 sa première commande royale pour la décoration de la salle des machines aux Tuileries, La louange accompagnée de la récompense (disparu), des années plus tard il réalisera des tableaux pour Trianon. Le Clerc affirme son talent dans plusieurs ensembles décoratifs notamment dans celui qu’il réalise vers 1732 avec une suite de neuf tableaux pour le château de Waldegg .

Le nombre de ses tableaux répertoriés reste encore peu important. Certains de ses tableaux non localisés sont heureusement connus grâce aux estampes de son beau-frère Edme Jeaurat. Il expose assez peu au Salon, sept tableaux uniquement en 1737 et en 1751. Sébastien II Le Clerc semble avoir consacré une large part de son activité aux différentes fonctions qu’il occupe au sein de l’Académie, suivant en cela l’exemple de son père, nommé professeur adjoint de géométrie et de perspective en 1717, puis professeur en 1721. C’est ainsi que Donat Nonotte le représente en 1741, traçant des figures de géométrie à l’aide d’un compas(Versailles, musée national du château et de Trianon).

La Déification d'Enée

Le format de ce tableau avait été modifié sous la Restauration afin de pouvoir être adapté au cadre d’un dessus-de-porte dans l’un des Salons au Grand Trianon. La déification d’Enée avait pour pendant le Morceau de réception de Joseph Christophe, Persée tranchant la tête de Méduse, qui subit donc le même sort (voir notice). Le tableau de Sébastien Le Clerc a retrouvé ses dimensions d’origine en 1999.

Agréé à l’Académie Royale le 26 janvier 1704, Sébastien le Clerc apporte trois mois plus tard « l’esquisse du sujet qui [lui] a été donné pour son ouvrage de réception qui représente la purification d’Enée pour sa déification », (esquisse perdue). Le 23 août de la même année l’artiste est reçu comme peintre d’histoire sur présentation de ce tableau. Le sujet lui avait été « ordonné » par Antoine Coysevox, alors directeur de l’Académie.

Ce très beau thème mythologique, témoignage de l’amour infini de Vénus pour son fils, fut rarement représenté au XVIIIe siècle, il connut en revanche un assez grand succès au siècle précédent ; Sébastien II Le Clerc a pu avoir pour modèle le tableau de même sujet peint par Louis de Boullogne en 1696 (collection particulière), ainsi que celui de Charles de La Fosse réalisé dans les mêmes années (Nantes, musée des beaux-arts). L’œuvre de Le Clerc est forte et capte l’attention, une atmosphère de recueillement mêlée d’une intensité dramatique particulièrement rare, se dégagent en effet de cette toile. Le corps d’Enée, d’une pâleur extrême presque cadavérique mais emblématique de cette transformation qui va amener le fils de Vénus dans le monde des dieux, est représenté dans l’attitude du Christ déposé de la Croix. Enveloppé d’un drap blanc tel un linceul, Enée, soutenu par les naïades, semble sauvé de la noyade, cela n’a pas échappé à Nicolas Guérin qui décrit ce tableau, accroché dans l’une des salles de l’Académie, en 1715 en soulignant : « Etre noyé dans les eaux de Numiée aurait été un genre de mort trop peu digne du premier roy des Latins : Vénus sa mère lui préparait un plus glorieux sort. Il ne tomba dans le Fleuve que pour y être lavé des souillures de la nature humaine….Vénus sa mère descend exprès du ciel sur une nuée, pour donner à ce cher fils une nouvelle nature. Pour cela elle tient en main un Vase où sont le Nectar et l’Ambroisie, qui devaient le rendre semblable aux Dieux ». Toute la scène se déroule dans une ambiance de crépuscule aux tonalités chaudes et doucement ambrées. Dans ce tableau la personnalité du jeune peintre apparaît déjà dans le caractère incisif du dessin et dans la forme particulière de certains visages, comme celui de la jeune nymphe à côté d’Enée. L’on retrouvera en effet sur d’autres compositions de l’artiste ces visages un peu enfantins, notamment celui d’Europe dans L’Enlèvement d’Europe peint vers1710 (Dunkerque, musée des beaux-arts).

L’élève de Bon Boullogne affirme aussi son individualité, tout en montrant sa fidélité à l’art de son maître, hérité des leçons de Le Brun, en particulier pour la représentation du corps à la musculature puissante du dieu Fleuve qui verse sur le corps d’Enée les eaux du Numicus. Chaque élément, chaque détail est peint avec une assurance impressionnante, l’artiste a su dans ce tableau maîtriser à la fois élégance, raffinement, charge émotionnelle intense, en particulier dans la représentation de la figure de Vénus enroulé dans un drapé orangé.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008