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18e siècle

Persée assisté par Minerve, pétrifie Phinée et ses compagnons en leur présentant la tête de Méduse

NATTIER Jean-Marc

Paris, 1685 - Paris, 1766

Persée assisté par Minerve, pétrifie Phinée et ses compagnons en leur présentant la tête de Méduse

Huile sur toile

113,5 x 146 cm.

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010

Notice complète

Fils du portraitiste Marc Nattier qui sera son premier professeur, Jean-Marc Nattier entre à l’école de l’Académie royale, et devient l’élève de son parrain Jean Jouvenet. Il part pour la Hollande en 1717 où il travaille pour Pierre le Grand et réalise le portrait du Tsar, de l’impératrice, de plusieurs personnalités de la cour de Russie ainsi que La Bataille de Poltava (Moscou, musée Pouchkine). De retour en France, un an plus tard il est reçu comme peintre d’histoire sur présentation de Persée assisté par Minerve, pétrifie Phinée…. Nattier abandonne rapidement la peinture d’histoire pour se consacrer à l’art du portrait. Il devient alors le portraitiste privilégié de la famille royale et de la cour, ses portraits allégoriques ou mythologiques connaîtront un succès éclatant, Madame Henriette sous la figure de Flore, 1742 (Versailles, musée national du château et de Trianon), Madame Adélaïde sous la figure de Diane, 1745 (Niort, musée des beaux-arts), Michel-Ferdinand d’Albert d’Ailly, duc de Chaulnes représenté en Hercule, 1746 (Paris, musée du Louvre)…. Son œuvre abondante est régulièrement présentée au Salon de 1737 à 1763. Les critiques furent élogieuses, mais plus tard, l’artiste devra faire face à des jugements acides notamment de la part de Diderot. Si on l’a parfois accusé d’avoir « peint avec du fard », on lui reconnaît aujourd’hui d’avoir excellé dans le genre du portrait. Son œuvre inventive et si personnelle, exécutée dans une palette à la délicatesse rare et subtile, est essentielle car elle est l’un des témoignages les plus vivaces de la cour de Louis XV.

Persée assisté par Minerve, pétrifie Phinée et ses compagnons en leur présentant la tête de Méduse

Le 25 mai 1715, Jean-Marc Nattier est agréé à l’Académie Royale, le 26 octobre de la même année il apporte « l’esquisse du tableau qu’il doit faire pour sa réception, dont le sujet lui a été donné par Monsieur Coypel, directeur, qui représente Apollon qui préside sur la Peinture et sur la Sculpture, laquelle a été agréé ». Cependant Nattier va solliciter l’Académie pour obtenir l’autorisation de changer de sujet de morceau de réception. Le 7 août 1717 : « le sieur Nattier ayant remontré la difficulté qu’il se trouve dans l’exécution du tableau qui luy avoit été ordonné, qui est un plafond pour la salle de l’Assemblée, la Compagnie ayant eu égard à sa prière, Elle luy a donné six mois, et Monsieur le Directeur luy donnera un autre sujet et six mois pour le faire ». La situation est suffisamment exceptionnelle pour qu’il soit mentionné en conclusion du procès-verbal de cette séance « Cela a emporté le temps de la Conférence » ce qui laisse imaginer que cette demande a donné lieu à une longue discussion. En 1717 Nattier avait été appelé par Pierre le Grand à travailler pour lui en Hollande, ce séjour qui sera particulièrement fructueux pour l’artiste et qui durera plusieurs mois, retardera la réalisation du morceau de réception qui sera présenté le 29 octobre 1718 : « Le Sieur Jean-Marc Nattier… a fait apporter le tableau qui luy avait été ordonné, représentant Persée qui change Phinée en pierre ». Ainsi, Nattier qui avait pourtant manifesté une prédisposition éclatante de portraitiste, va souhaiter, comme son frère Jean-Baptiste quelques années plus tôt, être reçu dans le « genre de l’Histoire ».

Ce sujet qui illustre l’un des épisodes de l’histoire de Persée, vainqueur des Gorgones, et qui exalte à la fois les vertus de courage, d’honneur et de sens du devoir correspond aux thèmes à portée édifiante qui domineront la peinture d’histoire des premières années du XVIIIe siècle. La composition théâtrale se développe avec emphase dans un cadre palatial, l’œuvre colorée, bruyante confirme le talent de Nattier qui a su créer un rythme particulièrement fort tout en utilisant un vocabulaire enseigné par l’Académie. Au centre de l’œuvre Persée et Minerve dominent, dans une sorte de calme assurance, le chaos extrême qui règne au premier plan. La sévérité, l’horreur même du sujet est ici tempérée par une exécution brillante qui retient toute l’attention. Pièces d’orfèvrerie, casques empanachés, cuirasses étincelantes, fourrure, velours sont représentés avec brio et avec un bonheur que l’on retrouvera sur bien des portraits de Nattier.

Jean-Marc Nattier aurait pu s’inspirer d’une œuvre de même sujet réalisée par Sebastiano Ricci (Los Angeles, musée J. Paul Getty) dans les premières années du XVIIIe siècle. La présence de Ricci à Paris est attestée en 1712 et 1717 puis encore en 1718 année où Ricci est admis à l’Académie Royale. Il est probable que les deux artistes se sont côtoyés au sein même de l’Académie, le Persée pétrifiant Phinée de Ricci offre assez de points communs avec le morceau de réception de Nattier pour imaginer qu’il ait pu constituer une source d’inspiration.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008