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18e siècle

Philémon et Baucis donnant l’hospitalité à Jupiter et Mercure

RESTOUT Jean-Bernard

Paris, 1732 - Paris, 1797

Philémon et Baucis donnant l’hospitalité à Jupiter et Mercure

Huile sur toile

119 x 163 cm.

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010

Inv.:1803-1-19

Notice complète

Elève de son père Jean Restout, Jean-Bernard suit également les cours de l’Académie et ceux de l’Ecole Royale des Elèves protégés. Il obtient le premier prix de peinture en 1758 avec Abraham conduit Isaac pour l’offrir en sacrifice et séjourne en Italie de 1761 à 1765. Restout est agréé à l’Académie royale l’année même de son retour en France avec Anacréon buvant et chantant (perdu), tableau qu’il avait réalisé à Rome. L’artiste commence alors une carrière parisienne et réalise notamment en 1766, en réponse à une commande royale, une série de quatre dessus de porte sur le thème des quatre saisons pour le salon des jeux du château de Bellevue (Versailles, musée national du château et de Trianon). Trois ans plus tard, Jean-Bernard Restout est reçu comme peintre d’histoire à l’Académie sur présentation de Philémon et Baucis donnant l’hospitalité à Jupiter et Mercure. Participant très régulièrement au Salon de 1765 à 1791, l’artiste fut nommé professeur à l’Académie en 1771 mais marqua rapidement son opposition au joug des institutions. Le célèbre discours qu’il prononce à l’Académie en décembre 1789 et dans lequel il prône la « liberté du génie » marque le début de son engagement pendant les années révolutionnaires. Il sera nommé Président de la commission des arts en 1793, puis directeur du garde-meuble.

Si l’œuvre de Restout est marquée par l’influence et le génie de son père, l’artiste sut également s’en dégager par une production d’une grande souplesse et une palette particulièrement riche.

Philémon et Baucis donnant l’hospitalité à Jupiter et Mercure

Le 22 mars 1766 Jean-Bernard Restout présente à l’Académie l’esquisse du tableau qui lui a été ordonné pour sa réception, représentant Philémon et Baucis(Toulouse, musée des Augustins), puis est reçu comme peintre d’histoire trois ans plus tard, le 25 novembre 1769, sur présentation du tableau conservé à Tours. Cette année 1769 est hautement symbolique car elle marque le retour en force de la peinture d’histoire concrétisé par le morceau de réception très controversé de Greuze représentant Septime Sévère et Caracalla (Paris, musée du Louvre). Restout s’inscrit de manière manifeste dans ce courant, adoptant pour sa composition une mise en page frontale et linéaire, que l’on peut mettre en parallèle avec celle du célèbre tableau de Greuze, la sobriété qui se dégage de ces deux oeuvres et qui accentue la solennité du sujet est très proche également. Une sorte de rigueur stylistique est perceptible dans le tableau de Restout, cette rigueur accentue la dimension morale du sujet et inscrit l’œuvre dans ce mouvement pictural qui construit les bases du néoclassicisme. Le morceau de réception de l’artiste a en effet valeur d’exemplum virtutis, car Philémon et Baucis seront récompensés par les dieux pour leur généreuse hospitalité.

Ce tableau est présenté au Salon de 1771. Le jugement de Diderot est sévère : « Faible de couleur, sans harmonie, sans intérêt. Un Mercure ignoble, un Jupiter court de corps avec de mauvais bras d’enfant ; trop sévère ; Mercure croqué ; mauvais fond », le critique du Journal Encyclopédique est plus élogieux : « ce morceau n’est pas le moins intéressant. Ce sujet souvent traité offrait par cette raison-là même bien des difficultés. Monsieur Restout a su néanmoins rendre cette scène neuve, par l’heureuse disposition des personnages. Son Jupiter a de la noblesse… ».

Restout déploie dans ce tableau une remarquable sobriété dans ses effets colorés limités à un chaud camaïeu de gris et de bruns réveillé par la note rouge du drapé de Jupiter. Si ce sujet emprunté à Ovide connut en France au XVIIIe siècle de nombreuses traductions picturales, le tableau de Restout semble plus directement influencé par les productions nordiques. L’artiste traite ce thème mythologique avec un vrai réalisme à la flamande. On peut citer en particulier un dessin de Jordaens (Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques) qui présente de nombreuses analogies avec le tableau de Restout. Les deux compositions adoptent une mise en page quasi identique et les figures des paysans ainsi que l’évocation de la miséreuse chaumière sont d’une inspiration très proche. Cette influence de l’art de Jordaens est plus perceptible encore sur le dessin préparatoire que Restout réalisa pour son tableau. Si la mise en page est déjà bien définie sur ce dessin on comprend bien qu’il s’agit d’une des premières réflexions de l’artiste qui modifiera ensuite un certain nombre d’éléments et en particulier la position des personnages autour de la table. Ce dessin à la pierre noire et lavis à l'encre est un témoignage du processus d’élaboration du tableau comme le sont également l’esquisse conservée au musée des Augustins à Toulouse (voir œuvres en rapport), et un petit tableau appartenant à une collection privée.

La belle tête de Philémon se retrouve sur d’autres compositions de Jean-Bernard Restout et on peut se demander si l’artiste n’a pas utilisé le même modèle pour plusieurs tableaux réalisés entre 1765 et 1769. On reconnaît en effet ce vieillard barbu, au large front et à la chevelure légèrement bouclée, dans la figure de Diogène sur Diogène demandant l’aumône aux statues, peint en 1765 et morceau de réception de Restout pour l’Académie royale de Toulouse, ou encore pour celle de l’Hiver réalisée en 1767.

Le musée Bonnat à Bayonne conserve une petite peinture de même sujet, réalisée vers 1770 . Attribué autrefois à Hyacinthe Collin de Vermont mais classé dans les anonymes actuellement, ce tableau présente de nombreuses analogies avec le morceau de réception de Restout.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008