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18e siècle

Vue de Tours en aval des Ponts, prise des coteaux de Saint-Cyr

ROUGEOT Charles-Antoine

Paris, 1740 – Tours, 1797

Vue de Tours en aval des Ponts, prise des coteaux de Saint-Cyr

Huile sur toile

65 x 97,5cm.

Don de Madame Trouissard , descendante d’Etienne Benoist de La Grandière, 1946.

Inv. : 1945-1-1

Notice complète

Charles-Antoine Rougeot, s’installe à Tours vers 1760 auprès de son oncle François-Guillaume Roussel, archiviste à la bibliothèque et au scriptorium de la cathédrale Saint-Gatien, auquel il succède quelques années plus tard. Parallèlement il ouvre chez lui une école gratuite de dessin puis crée une école officielle qui, notamment grâce au soutien du maire Benoist de La Grandière (voir portrait par Delorge), est érigée en 1781 par d’Angiviller en « Ecole Royale Académique de peinture et des arts dépendants du dessin ». Cette école sera, dès sa création, directement associée aux manufactures de soierie encore florissantes au XVIIIe siècle à Tours, en dispensant des cours spécialement destinés aux futurs dessinateurs pour les « etoffes de soye ». Professeur de dessin, Rougeot ne laisse dans ce domaine qu’une œuvre extrêmement réduite, puisque le musée de Tours ne conserve qu’un seul dessin de cet artiste, Allégorie à la gloire des arts, un autre dessin Le Serment civique le 14 juillet 1791, appartenait à une collection particulière de Tours avant la dernière guerre. Son œuvre de peintre n’est pas beaucoup plus important en nombre, mais laisse cependant un témoignage extrêmement précieux sur la ville de Tours et ses environs dans les dernières années du XVIIIe siècle alors que la capitale tourangelle subit des transformations urbanistiques importantes.

Lorsque le musée de Tours sera créé, en 1792 dans le Palais des Archevêques, Charles-Antoine Rougeot, nommé à la tête de cet établissement ouvert au public trois ans plus tard, sera chargé de surveiller l’entrée des œuvres saisies pendant cette période dans les abbayes, les églises et les châteaux de Tours et de la région qui formeront le premier fonds des collections du musée. Il sera présent en particulier au château de Chanteloup au moment de la saisie révolutionnaire effectuée en 1794. Les documents d’archives et les inventaires rédigés à cette occasion témoignent de l’importance pour le musée d’avoir eu comme premier conservateur cet homme cultivé qui sut préserver les œuvres d’un intérêt de premier ordre notamment les tableaux de François Boucher, de Louis de Boulogne, de Jean-Pierre Hoüel… Rougeot jouera un rôle véritablement essentiel pour le patrimoine et l’avenir culturel de la ville.

Rougeot décède en 1797 et sera remplacé dans ses fonctions de conservateur du musée, de directeur de l’école de dessin et de professeur de dessin par son gendre Jean-Jacques Raverot.

Vue de Tours en aval des Ponts, prise des coteaux de Saint-Cyr

Les quelques tableaux peints par Charles-Antoine Rougeot et répertoriés aujourd’hui se réduisent à un très petit nombre d’œuvres. Toutes ces peintures ont pour sujet unique la représentation de Tours et des environs proches de la ville. Quelques tableaux sont localisés dans des collections particulières tourangelles et le musée en conserve six réalisés dans une période très courte, entre 1784 et 1791. Dans ces oeuvres Rougeot oscille entre une facture parfois naïve, essentiellement dans la représentation des personnages et des animaux qui animent ces compositions, et préromantique dans le traitement du paysage. L’influence de Jean-Pierre Houël, qu’il a pu rencontrer au château de Chanteloup en 1769, est manifeste dans ces paysages, en particulier par l’importance laissée au ciel dans ces compositions mais aussi par l’attention particulière portée aux détails. Si des maladresses sont nettement perceptibles dues essentiellement à des problèmes d’échelle, Rougeot se révèle minutieusement réaliste dans ce que l’on peut appeler les « évènements naturels », les nuages, les arbres, l’eau, la lumière. Rougeot montre dans cette représentation, qui témoigne d’une étude directe de la nature, son attachement aux leçons de Pierre-Henri de Valenciennes. On peut imaginer que les deux artistes ont eu la possibilité de se rencontrer à Chanteloup lors du séjour de Valenciennes chez le duc de Choiseul en 1773. Rougeot manifeste dans chacun de ces paysages sa volonté de donner à l’espace toute sa profondeur, en privilégiant une perspective aérienne qui restitue assez justement la lumière ligérienne. Si la facture révèle des imperfections, ces œuvres ne manquent pas de charme et leur caractère documentaire reste irremplaçable.

On a le sentiment, lorsque l’on regarde les six tableaux du musée, que l’artiste a voulu présenter la ville à partir de points de vue à chaque fois différent de manière à pouvoir appréhender avec justesse l’urbanisme de Tours et sa spécificité géographique. Cette première toile peut être datée d’avant 1784-85 puisque le vieux pont médiéval d’Eudes n’est pas encore démoli, elle présente une île au premier plan qui a tout à fait disparu et à gauche l’ancien port de Saint Symphorien. Le tableau met à l’honneur le nouveau pont construit de 1764 à 1779 sous la direction des ingénieurs de Bailly et Cadet de Limay.

Ce tableau et le suivant, Vue de Tours en amont des Ponts, prise des coteaux de Saint-Symphorien, sont restés dans la famille d’Etienne Benoist de la Grandière jusqu’en 1946 date de leur entrée dans les collections du musée de Tours par don de l’une des descendantes directes de l’ancien maire de Tours.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008