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Huile sur toile
H. 71 cm ; l. 110 cm
Dépôt de l'Etat, 1865, transfert de propriété de l'Etat à la Ville de Tours, 2010
Inv. 1865-1-1
Elève de Renoux, puis de Rémon à l’École des Beaux-Arts de Paris, Berchère quitte l’école après son échec au Grand prix de paysage historique de 1841, où il est présenté comme élève de Paul Delaroche. Se consacrant désormais au paysage, il expose au Salon des vues de sites français (Auvergne, Fontainebleau, Provence…) de 1843 à 1846. Il voyage en Espagne en 1847, puis au Proche-Orient en 1849-1850, puisant son inspiration dans l’observation des paysages. Si ses premières œuvres accusent, par la sobriété de leur coloris, l’influence de l’école de Barbizon, sa palette s’éclaircit après la découverte de lumières plus franches. En avril-mai 1856, accompagné de Belly, il séjourne dans le Sinaï, puis visite la basse Égypte avec Gérôme et Bartholdi.
En 1860, il est chargé par Ferdinand de Lesseps de relevé la progression du canal de Suez dont les travaux viennent de commencer. Ses souvenirs, adressés sous formes de lettres à son ami le peintre Fromentin, sont consignés dans le Désert de Suez, cinq mois dans l’isthme, qui constitue une précieuse source de renseignements sur l’histoire de l’entreprise, sur l’art de Berchère et sa conception du paysage.
Il exprime avec sensibilité le plaisir retrouvé des grands espaces, la qualité particulière de la lumière, le pittoresque des habitations et des animaux domestiques, la beauté des types physiques enfin, si variés sur ce vaste chantier, en raison des différentes ethnies qui s’y côtoient. « Ce que je puis dire, c’est que drapés, nus ou couverts, ils sont intéressants, qu’ils ont cette franchise d’allure, cette souplesse du mouvement que donne seule la libre habitude des corps. »
De cette période, le musée des Beaux-Arts de Tours conserve une série de quatre dessins, acquise en vente publique en 1973. Exécutés à la mine de plomb, ils figurent des sites (Timsah, El Guisr, Siout) où la Compagnie du canal de Suez installe ses campements au gré de la marche des travaux.
En 1862, Une excursion au canal de Suez, ouvrage publié par Paul Merruau, est illustré de gravures de dom Grenet d’après un album inédit de Berchère. L’artiste effectue en 1869 un nouveau voyage en Egypte, au cours duquel ses compagnons orientaliste – Gérôme, Fromentin, Tournemine -, des délégués officiels – Chennevières, Charles Blanc – et lui-même assistent à l’inauguration du canal de Suez.
Ces différents séjours lui permettent d’accumuler une documentation écrite et dessinée dans laquelle il puise tout au long de sa carrière, donnant naissance à des compositions où le paysage tient la première place.
Entre 1874 et 1891, il participe activement à la vie du musée municipal d’Étampes, récemment créé. Sa qualité d’artiste et de notable lui fait intégrer le collège de conservateurs bénévoles qui gère alors l’établissement, auquel il donne un album d’une centaine de dessins figurant Étampes et ses environs.
Sakieh sur les bords du Nil
Arrivé en août 1865, en même que le Persée délivrant Andromède d’Émile Bin, également acquis au Salon de l’année, Sakieh sur le bord du Nil est le troisième achat d l’État à l’artiste. En 1863, enfants gardant les moissons de sorgho est envoyé au musée d’Orléans et un Crépuscule, retenu au Salon de 1864, est déposé au musée de Douai, confirmant l’estime des autorités impériales pour les œuvres orientalistes de Berchère.
Exécutée entre deux voyages en Egypte à l’aide des souvenirs consignés dans ses carnets, l’œuvre est unanimement saluée par la critique, qui souligne la clarté et la chaleur des coloris. Dans ce concert élogieux, seul le critique d’art Catagnary (1830 – 1888), en farouche partisan du réalisme, désapprouve la source d’inspiration de Berchère. « Pensez-vous que s’ils avaient une grande confiance dans la beauté de la France, de son ciel et de ses habitants, M. Belly, Berchère et autres orientalistes, nous emmèneraient sous une latitude inconnue, devant des effets de lumière dont ni vous ni moi ne saurions contrôler la justesse ? […] quand je vois des gens qui seraient incapables de peindre la plaine Saint-Denis, aller chercher un bord du Nil ou une rive du Bosphore, mon premier sentiment est de me défier. » Sévère et injustifiée, l’appréciation de Castagnary porte essentiellement sur les sources d’inspiration de Berchère, qui sacrifie généralement le détail anthropologique au traitement de l’atmosphère.
La sensation de la chaleur, le sentiment de l’implacable brûlure du soleil sont ici apportés par les dimensions du ciel qui, de ma masse d’un bleu intense, domine une composition en registres superposés, largement ouverte sur l’horizon. Le manque de naturalisme dans le traitement des figures, leur rigidité accentuent l’impression d’immobilité donnée par le paysage où se déroule la scène.
© MBA Tours, cliché Gérard Dufresne