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18e siècle

La Colère d'Achille

COYPEL Antoine

Paris, 1661 - Paris, 1722

La Colère d'Achille

Vers 1711 Huile sur toile

H. 117,5 cm ; l. 210 Cm.

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété de l'Etat à la Ville de Tours, 2010

Inv. 1803-1-7

Notice complète

Après une première formation dans l’atelier de son père Noël Coypel à Paris, Antoine Coypel poursuit ses études à Rome à partir de 1672, alors que son père est nommé directeur de l’académie de France. Il étudie à Rome Raphaël, Carrache, les antiques et surtout Titien, Véronèse et enfin Le Corrège dont il retiendra les leçons. Il fait la rencontre du Bernin et de Carlo Maratta. De retour à Paris en 1676 Coypel continue sa formation à l’Académie et sera reçu cinq ans plus tard comme peintre d’histoire sur présentation de Louis XIV repose dans le sein de la Gloire après la paix de Nimègue (Montpellier, musée Fabre). L’artiste participe alors à la plupart des chantiers royaux de cette période à Marly, Trianon, Versailles, Meudon … En 1685 il devient le peintre ordinaire de Monsieur, duc d’Orléans et frère de Louis XIV. C’est pour la famille d’Orléans qu’il réalisera entre 1701 et 1706, l’une de ses œuvres les plus brillantes disparue aujourd’hui, la voûte de la galerie d’Enée au Palais-Royal complétée quelques années plus tard par un cycle de sept tableaux. A la charnière des 17e et 18e siècles, Antoine Coypel rajeunit la tradition classique par une palette colorée. Lors de la querelle opposant les partisans du dessin et du coloris il connut une période rubéniste forte qui se révèle dans certains tableaux en particulier le Démocrite, 1692 (musée du Louvre, département des peintures). L’esprit nouveau de Coypel est perceptible également sur la série de grands tableaux dont les sujets sont empruntés à l’Ancien Testament, et qui connut un immense succès : Suzanne accusé par les vieillards, 1695 (Madrid, musée du Prado), Le sacrifice de la fille de Jephté, vers 1695-1697 (Dijon, musée Magnin). Ces sujets seront repris en 1710 pour des cartons de tapisserie à la manufacture des Gobelins, manufacture pour laquelle Coypel travaillera régulièrement. Coypel est également un immense dessinateur, son œuvre graphique est particulièrement expressive et bouillonnante.

En 1710 l’artiste est nommé Garde des tableaux et dessins du roi, quatre ans plus tard il devient directeur de l’Académie royale, puis en 1716 il obtient le titre envié de Premier peintre du roi.

La Colère d’Achille

L’histoire de cette œuvre et de son pendant, Les Adieux d’Hector et d’Andromaque (notice suivante) est bien connue et bien documentée aujourd’hui, grâce à la monographie que Nicole Garnier a consacrée à Antoine Coypel en 1989. Les deux tableaux proviennent de la collection de la famille d’Orléans, leur présence y est attestée en 1724 sur l’inventaire après décès du Régent Philippe d’Orléans, qui fut le protecteur et l’ami d’Antoine Coypel. Une estampe gravée par Simonneau, d’après La Colère d’Achille de Coypel illustre le frontispice d’une traduction de l’Illiade publiée en 1711. Il est vraisemblable que Coypel ait livré à Simonneau des dessins pour cette estampe, l’on peut même suggérer que celui conservé au musée de Tours, considéré comme préparatoire au tableau était peut-être destiné à ce projet de frontispice. En effet le dessin présente des variantes par rapport au tableau, mais, comme le souligne Nicole Garnier, des similitudes avec la gravure : « le décor en particulier n’est pas encore mis au point, et surtout l’attitude de Minerve est différente, proche de celle que reproduit la gravure de Simonneau …». En l’absence de documents d’archives concernant la commande des tableaux, il est délicat de les dater de manière précise, cependant cette édition de l’Illiade permet de proposer une date vers 1711. Il est vraisemblable également que La colère d’Achille ait été peint avant Les Adieux d’Hector et d’Andromaque, la restauration de 2003 a en effet révélé que ce tableau était légèrement plus étroit qu’aujourd’hui, mesurant environ 1mètre 70, un agrandissement a été effectué, sans doute par Coypel lui même, afin que les deux tableaux pendants aient exactement les mêmes dimensions.

Les sources du XVIIIe siècle ne s’accordent pas sur le sujet exact de ce tableau ou plus exactement sur les causes précises de la colère d’Achille. Pour Mariette, « c’est la perte de la captive Briseis, qui faisait partie de son butin », pour le Mercure de France (juin 1750) « il s’agit d’empêcher Agamemnon d’immoler sa fille Iphigénie. En réalité le tableau met en scène le célèbre épisode qui ouvre l’Illiade ». Coypel choisit le moment final de cette scène, Achille furieux est prêt à tirer le glaive contre Agamemnon lorsque Minerve apparaît pour le retenir, elle le conjure de combattre par les mots mais non par l’épée. Le grand prêtre Calchas, assis au centre de la composition implore le ciel, de même que le sage Nestor drapé de bleu. Ulysse au premier plan à gauche regarde sa protectrice dont l’image figure sur son bouclier. Philippe Malgouyres a souligné que le visage d’Achille reprend l’image traditionnelle de la fureur extrême diffusée par l’Iconologia de Cesare Ripa : « Homme armé, avec un regard épouvantable et féroce il aura le visage rouge, avec l’épée nue dans la main droite, se tenant d’une manière menaçante ».

La composition est agencée avec rigueur, Antoine Coypel excelle une fois encore dans la distribution et la mise en action de ses figures toujours nombreuses et largement expressives. L’artiste qui s’est souvent inspiré du Traité des passions de Le Brun, pour traduire les différents états émotionnels de ses protagonistes montre dans ce tableau l’efficacité de son talent.

Quelques années plus tard cinq cartons de tapisserie sur le thème de l’Illiade sont commandés à Coypel pour être tissés à la Manufacture des Gobelins, fatigué Antoine Coypel ne pourra achever cet ensemble. Il ne réalisera que deux cartons, l’un reprenant la composition de La colère d’Achille (Dijon, musée des beaux-arts), le second celui des Adieux d’Hector et Andromaque (Paris, musée du Louvre). Son fils Charles-Antoine terminera la série qui sera achevée vers 1730. C’est probablement vers 1718 qu’Antoine Coypel réalise le carton de La Colère d’Achille il pratique pour ce travail une sorte d’agrandissement du tableau conservé à Tours, comme il l’avait fait en 1710 en réalisant les cartons de l’Ancien Testament d’après des tableaux peints des années auparavant.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008


© MBA Tours, cliché Marc Jeanneteau