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19e siècle

Agar dans le désert

BELLE Louis-Augustin

Paris, 1757 - Paris, 1841

Agar dans le désert

Huile sur toile

265 x 200 cm.

Dépôt de l'Etat, 1820. Transfert de propriété de l'Etat à la Ville de Tours, 2012

Inv. 1825-1-2

Notice complète

Fils de Clément Belle, peintre et surinspecteur de la manufacture royale des Gobelins, Augustin Belle est l’élève de son père et de Joseph-Marie Vien (1716 - 1809). En tant que fils d’officier de l’Académie royale de peinture et de sculpture, il suit l’enseignement de cette institution et tente à deux reprises le concours du grand prix de peinture. Classé second en 1782 avec la Parabole de l’enfant prodigue (Lille, musée des Beaux-Arts), il part à ses frais pour l’Italie en 1784. Grâce à l’intervention de Cochin, avec qui il est parent, il est admis en qualité d’externe au palais Mancini, alors siège de l’académie de France à Rome, d’où il renvoie en 1788 Tobie rendant la vue à son père (musée de Chatillon-sur-Seine). Expulsé en raison de son affiliation à la loge La réunion des Amis Sincères, il rentre à Paris en 1790.

Sa ferveur républicaine l’incite à s’engager activement dans les groupements artistiques révolutionnaires que sont la Commune générale des arts, le Club révolutionnaire des arts et la Société populaire et républicaine des arts, ce qui lui vaut d’être proposé en 1793 par Jacques-Louis David au Comité d’instruction publique pour siéger au jury d’attribution des prix de peinture, de sculpture et d’architecture.

A partir de 1793, il est directeur des Gobelins, où il est entré comme sous-inspecteur dès son retour d’Italie. Relevé de ses fonctions de directeur en 1795, il demeure cependant le collaborateur de son père à la manufacture. De la mort de celui-ci, survenue en 1806, jusqu’en 1816, il en reprend les fonctions de professeur de dessin et d’inspecteur des travaux d’art.

De 1793 à 1835, il participe au Salon avec des portraits et des peintures dont les sujets sont empruntés à la Bible, à la mythologie, à l’histoire ancienne, qu’il expose à plusieurs reprises lors de manifestations artistiques à Douai (1821), Lille (1822) et Cambrai (1826).

Les commandes et achats de l’Etat dont il bénéficie sanctionnent la carrière d’un artiste qui témoigne, tant par les sujets choisis que par leur traitement, de son attachement aux valeurs du néo-classicisme, esthétique à laquelle il se montre fidèle tout au long de sa production.

Agar dans le désert

Depuis son entrée dans les collections du musée, les différents catalogues ont donné cette œuvre comme étant de provenance inconnue. C’est Michel Hoog qui signale en 1961 (communication écrite) l’origine exacte du tableau, objet d’une commande de l’état auprès de l’artiste. Fabienne Camus, auteur d’une étude sur Belle précise qu’à cette époque, privé de ses appointements en raison de sa destitution des Gobelins, l’artiste traverse une crise financière qui lui fait sans doute solliciter des aides officielles, puisqu’en 1821 il est peintre pensionnaire du roi Louis XVIII.

Tiré de l’Ancien testament, l’épisode d’Agar chassée dans le désert par Sara, épouse d’Abraham, avec Ismaël leur fils, appartient à ces ambitieux thèmes historiques auxquels l’artiste sacrifie à l’occasion des Salons (1791, Mariage de Booz et de Ruth ; 1793, Thésée, après avoir retrouvé les armes de son père, se met en route pour purger les rochers des brigands ; Périclès et Anaxagore ; 1801, Mars recevant les caresses de Vénus, et couronné par elle de myrtes et de lauriers…) Présenté au Salon deux ans après le Saint-Etienne prêchant l’évangile d’Abel de Pujol (Paris, Saint-Thomas d’Aquin) avec lequel il manifeste une vraie parenté stylistique, Agar dans le désert dévoile sa culture picturale et son adhésion à l’idéal Davidien qu’il manifeste par un jeu savant de références.. Si le dispositif iconographique correspond au traitement classique du sujet, il emprunte en revanche à David des motifs identifiables.

Celui du profil d’Agar- dont la coiffure complexe trouve son exemple dans les Sibylles antiques, mais aussi à travers Peyron (Agar et l’Ange, vers 1780, Tours, musée des Beaux-Arts), chez Raphaël (sainte Elisabeth dans la Petite Sainte Famille du Louvre) – dérive d’un dessin exécuté par David en 1794. Belle prête à Agar la conception musculeuse de la servante éplorée des Licteurs rapportant à Brutus les corps de ses fils (1789, Paris, musée du Louvre ; Etude préparatoire, Tours, musée des Beaux-Arts), mais surtout au corps adolescent abandonné et ambigu d’Ismaël, dont le bras inerte retombe souplement, l’attitude de la plus jeunes des filles de Brutus que sa mère soutient en un geste presque semblable. Cependant c’est du jeune Bara (La Mort de Bara, 1793, Avignon, musée Calvet), que l’artiste reprend la physionomie et l’expression douloureuse de l’enfant ainsi que sa peau laiteuse et ses cheveux d’un roux clair. Sans ce masque de souffrance sur ses traits, Ismaël aurait pu évoquer le voluptueux sommeil dans lequel, à la même époque David peint son Bara, Girodet plonge Endymion (Paris, musée du Louvre). Nulle assimilation possible cependant avec Girodet ou les primitifs (Quay, Broc), tant le traitement de la couleur chez Belle affiche sa fidélité au modèle Davidien. Une fois encore, revenons vers Brutus et vers la coloration chaude de ses orangers, briques, jaunes alternant avec des complémentaires rompues de bleu canard, bleu gris dont Belle reprend la gamme expressive et vibrante par leur opposition, centrée toutefois sur le corail éclatant de la robe d’Agar. C’est bien chez le David républicain de la période révolutionnaire et non chez celui, vieillissant, de l’exil à Bruxelles, que Belle puisse les lignes simples et élégantes de ses drapés, de même que la tension morale d’un sujet biblique traité avec la grandeur des épisodes héroïques de l’Antiquité dont David a transmis le culte à toute une génération.