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19e siècle

La Partie de billard

BERAUD Jean

Saint-Petersbourg, 1848 - Paris, 1925

La Partie de billard

Huile sur toile

H. 40 cm. ; L. 56 cm.

Don de la Galerie Cailleux, 1935

Inv. 1935-6-3

Notice complète

Né en Russie, avec sa jumelle Mélanie, lorsque son père, sculpteur, travaille probablement au chantier de la cathédrale Saint-Isaac. Après la mort de son père, en 1853, sa mère Geneviève Eugénie Jacquin rentre à Paris avec ses quatre enfants.

Béraud fréquente le Lycée Bonaparte et étudie le droit jusqu’en 1870. Elève de Bonnat, il fait ses premiers envois au Salon des artistes français en 1973, y obtenant des distinctions en 1882 et 1883, ainsi qu’une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1889. De 1910 à 1929, il expose à la Société nationale des Beaux-Arts, créée en 1890 à l’initiative de Meissonnier et dont il est co-fondateur avec Rodin et Puvis de Chavanne. En 1887, il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur, puis est promu officier du même ordre en 1894.

En dépit de tentatives en direction des sujets religieux, comme la Madeleine chez le Pharisien (1890, Paris musée d’Orsay) ou le Christ à la Colonne (1901, localisation inconnue), Béraud demeure le peintre de la vie et de la société parisienne. Très présent sur la scène mondaine, littéraire et artistique, il est lié à Marcel Proust par une sympathie réciproque qui trouve son aboutissement lorsque l’artiste accepte d’être le témoin de l’écrivain lors du duel qui l’oppose à l’écrivain Jean Lorrain en 1897. C’est aussi un habitué des salons les plus recherchés, comme celui de la comtesse Potocka, dont il laisse une vision à la fois libre et feutrée (1887, Paris musée Carnavalet), ou celui de Madeleine Lemaire. Marcel Proust fait d’une des soirées de celle-ci, où figure Béraud, une relation significative du succès que rencontre le jeune peintre : « …quand elle voit Jean Béraud ne pas même pouvoir pénétrer dans les hall […] elle fait lever les personnes qui encombrent l’entrée, et au jeune et glorieux maître, à l’artiste que le nouveau monde comme l’ancien acclament, à l’être charmant que tous les mondes recherchent sans pouvoir l’obtenir, elle fait une entrée sensationnelle. Mais comme Jean Béraud est aussi le plus spirituel des hommes, chacun l’arrête au passage, pour causer un instant avec lui. »

Sa palette et ses jeux de lumière prolongent, bien au-delà des années 1900, l’esthétique de débuts de l’impressionnisme. Grâce à son amitié avec l’écrivain Armand Sylvestre, défenseur de Manet, il a de fréquents contacts avec les milieux artistiques les plus avancés. S’il emprunte aux impressionnistes leur aptitude à recréer les atmosphères urbaines, par son goût du pittoresque et de l’exactitude, qui l’incite à multiplier les figures là où Degas, par exemple, en use avec plus de modération, il apparaît essentiellement comme un chroniqueur dont la production extrêmement abondante acquiert une valeur documentaire. En particulier, la comparaison entre Portrait dans un bureau de la Nouvelle-Orléans de Degas (dit aussi Le Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, 1873, Musée de Pau) et le Jour de l’emprunt de Béraud (Collection particulière) révèle l’incapacité de ce dernier de renoncer à l’anecdote.

Sa précision dans la description des scènes de rues, des grands boulevards, des sites célèbres de la capitale et de ses lieux de distraction, en particulier des cafés, des théâtres, des champs de courses, confère à son œuvre une légèreté suggestive et souvent poétique.

La partie de billard

A la suite du décès de Béraud, survenue le 5 octobre 1935, le musée de Tours reçoit trois œuvres de l’artiste, restées dans son atelier. L’expert parisien Paul Cailleux est alors chargé par la succession d’en répartir le contenu entre divers musées français. C’est Paul Vitry (conservateur au Louvre et réorganisateur des collections du musée des Beaux-Arts de Tours pour la réouverture du musée en 1910 dans le bâtiment de l’ancien palais des archevêques) qui opère la sélection en faveur de Tours. « Monsieur Vitry estime que ces tableaux feraient très bien au musée de Tours et souhaiterait les y voir entrer », écrit Cailleux le 16 novembre 1935 au conservateur du musée de Tours Horace Hennion, qui les reçoit peu de temps après.

En raison de ses séduisantes possibilités picturales, le thème de la partie de billard se déroulant dans l’atmosphère enfumée d’une salle de café est fréquemment traité par le peintre. Les jeux de lumière, les effets de miroir, les reflets sur la verrerie comptent parmi ses motifs de prédilection, et son inspiration nocturne se répartit également entre la vision des lieux clos et celle des rues soumises à l’éclairage artificiel des lampadaires, des vitrines ou des fiacres, éclats que vient souvent relayer le pavé mouillé de pluie.

Tel qu’il est traité ici, avec son caractère anecdotique, le thème du café est plus proche de la vision pittoresque de Boldini ou de Nittis que de la grandeur pathétique de Degas ou de Toulouse-Lautrec.