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Bois transposé sur toile puis collé sur panneau de bois
H. 71,1 cm L. 94 cm
Dépôt de l'Etat, 1806. Transfert de propriété de l'Etat à la Ville de Tours, 2010
Inv. 1803-1-25
C'est à la fin de l'année 1456 que Gregorio Correr (1411-1464), abbé commendataire du monastère de San Zeno, à Vérone, commande au jeune Mantegna, travaillant à Padoue, le retable pour un maître-autel de l'église. Le polyptyque, terminé en 1459, représente le dernier chef-d'œuvre exécuté par cet artiste avant son départ pour Mantoue au service de Ludovico Gonzaga. Déplacé dès le XVIe siècle vers le fond de l'abside, le retable fut réquisitionné et démembré le 26 floréal an V (15 mai 1797) par le chimiste Bertholet, commissaire du gouvernement français.
Ce dernier laissera sur place le cadre remarquable, conçu également par l'artiste padouan. Les six morceaux (trois pour la partie supérieure, trois pour la prédelle) arrivèrent à Paris le 27 juillet 1798 et furent, dès novembre, exposés au Muséum central.
En 1803, pour compenser les saisies effectuées au château de Richelieu, principalement celles des tableaux de Mantegna provenant du studiolo d'Isabelle d'Este à Mantoue, Vivant Denon accorde au musée de Tours les deux parties latérales de la prédelle, considérées à cette date comme des œuvres indépendantes en raison de leurs dimensions exceptionnelles ; les éléments de la Pala étaient désormais définitivement dispersés entre Tours et Paris.
En 1815, Vérone récupéra la partie supérieure et remplaça par des copies les trois registres de la prédelle. Chefs-d'œuvre de la peinture italienne de la première Renaissance, ces deux panneaux résument tout l'art de Mantegna. Sensible à la lumière, qui, dans les deux compositions a la même provenance, l'artiste fait preuve d'une grande érudition en représentant la ville de Jérusalem selon la description donnée par Flavius Josèphe dans La Guerre des Juifs. Construites selon un schéma spatial complexe mais toujours équilibré, les deux scènes sont animées de personnages conçus et dessinés comme des sculptures que Mantegna reprend de son maître Squarcione et de Donatello. La matière picturale, parfois fine et fluide, laisse entrevoir sous les couleurs claires des vêtements le dessin préparatoire, manifestement exécuté au pinceau. Il est possible d'observer en plusieurs endroits, un dessin préparatoire élaboré, exécuté au pinceau avec une touche large. Les hachures rapides et obliques, qui ombrent les chérubins, se superposent souvent aux contours; celles ombrant le pieds gauche du Christ sont discontinues, nerveusement interrompues, de manières à accentuer les volumes.
L'emploi de l'or est ici identique aux deux autres panneaux. Le nimbe du Christ a été redoré, de manière telle qu'il découpe trop durement les contours de la tête. Les chérubins autour du Christ, sont mis en lumières avec l'or, sur une base de violet léger, ainsi que les feuilles de lierre grimpant sur l'arcade rocheuse du sépulcre, les boucliers, les cuirasses, les cottes d'armes, les massues, les épées et leurs gardes. Une telle abondance d'or est évidemment liée à la réverbération chaude et lumineuse qui, émanant du Christ, éclaire l'intérieur de la grotte. Sur les chaussures et les brassards, des effets analogues sont également obtenus avec le jaune, employé pour imité l'or sur une base orangée.
Dans La Résurrection, à la mise en scène grandiose et dilatée, presque entièrement occupée par le sépulcre, l'accent est mis sur la différenciation des expressions de frayeurs et de peur des soldats, surpris par l'apparition du Christ ressucité qui a soulevé le couvercle de son tombeau. Le Christ est ici une figure pleine de pathos, contrainte dans la torsion du buste serré dans un drapé métallique et tourmenté, si bien qu'elle semble péniblement se redresser pour sortir du sarcophage. Pourtant, c'est justement cet homme fatigué, mais auréolé d'une lumière éblouissante dont les rayons dorés se réfléchissent en des lueurs rougeâtres sur les parois de la grotte et jusqu'à l'intérieur du tombeau, qui épouvante les soldats terrassés, plus nombreux que de coutume pour une scène de résurrection, au nombre de sept et non trois. Ces soldats montrent un visage méchant, voire brutal, qui rappelle ainsi ceux des bourreaux du Martyr de saint Jacques de la chapelle Ovetari. Les sourcils sont noirs et épais, ce qui accentue la vulgarité des traits, les bouches se plient en des grimaces désagréables. Le soldat offrant le visage le plus difforme, qui évoque le portrait présumé de Squarcione peint dans le Martyr de saint Christophe de la chapelle Orvetari, est celui posté à l'extrême droite de la composition : représenté plus âgé que les autres, chauve et adipeux, il a la mine ripailleuse. Aussi, est-on ici proche du réalisme hyper analytique à la flamande.
La terreur des gardes, réveillés au milieu de leur sommeil, est un motif iconographique presque inédit qui dramatise la mise en page traditionnelle et qui, après la Pala de San Zeno connaîtra une grande diffusion
© MBA Tours, cliché Marc Jeanneteau