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18e siècle

La Chasse de Diane / Diane et ses compagnes se reposant après la chasse

BOULLOGNE Louis de

Paris, 1654 - Paris, 1733

La Chasse de Diane / Diane et ses compagnes se reposant après la chasse

Huile sur toile

106, 5 x 195 cm. et 105 x 163 cm.

Saisie révolutionnaire, château de Chanteloup, 1794

Inv. : 1794-1-8 et Inv. 1794-1-9

Notice complète

Elève de son père Louis Boulogne I, comme le fut son frère aîné Bon Boullogne, l’artiste se consacre également à la peinture d’histoire. La carrière des deux frères se confond car ils travaillent régulièrement ensemble sur les mêmes chantiers pour des commandes royales ou religieuses. Cette complicité manifeste à été soulignée par les biographes des artistes qui rappellent que pendant de longues années les deux artistes habitaient sous le même toit et travaillaient très souvent ensemble. Après avoir obtenu le Prix de Rome en 1673, Louis de Boulogne séjourne en Italie pendant cinq ans. Rome, mais aussi Venise et l’Italie du Nord auront une influence déterminante sur ses productions futures. De retour à Paris, l’artiste va connaître un succès immédiat participant aux chantiers versaillais, dès 1679. Deux ans plus tard, il est reçu à l’Académie royale comme peintre d’histoire, sur présentation d’Auguste fermant le temple de Janus après la bataille d’Actium (Amiens, musée de Picardie). Les commandes se succèdent alors, Louis travaille notamment aux côtés de son frère à la décoration de Trianon, et c’est à partir de 1690 que commence la période la plus active de sa carrière. L’artiste réalise des œuvres pour le Prince de Condé et participe aux décors des châteaux royaux de Marly, de Meudon… Conjointement il peint de nombreux tableaux religieux pour diverses églises ou couvents parisiens, pour la chapelle du château de Versailles, et exécute deux grandes compositions pour le chœur de Notre-Dame. Son œuvre est une synthèse des leçons apprises à l’Académie et des œuvres vues en Italie, mais l’artiste a su développer dans cette production une poésie personnelle qui renouvelle la peinture française de cette période.

Louis de Boulogne joue également un rôle important au sein de l’Académie, professeur adjoint dès 1690, il sera nommé professeur quatre ans plus tard. Sa brillante carrière sera couronnée de manière exceptionnelle, en 1722 il devient directeur de l’Académie puis il est anobli et nommé premier peintre du roi

La Chasse de Diane

Ce tableau et son pendant, Diane et ses compagnes se reposant après la chasse, sont considérés comme appartenant aux plus belles réalisations de Louis de Boulogne. Ces deux œuvres témoignent clairement de la manière dont l’artiste utilise les leçons du Corrège mais aussi celles d’artistes Bolonais comme le Dominiquin ou l’Albane pour renouveler dans une veine poétique la peinture française dans ces premières années du XVIIIe siècle.

Peints, sur la commande du comte de Toulouse pour orner le cabinet du roi au château de Rambouillet, ces deux tableaux décoraient cette pièce contiguë à la chambre du roi, où étaient accrochés les quatre dessus-de-porte de Bon Boullogne, réalisés en réponse au même programme décoratif. Le sujet des deux peintures de Louis de Boulogne, illustrant l’activité favorite de Diane, convient particulièrement au lieu car Rambouillet servait principalement de pavillon de chasse. Dessinateur accompli, Louis de Boulogne a réalisé plusieurs dessins préparatoires pour ces deux œuvres, qui permettent de bien comprendre le processus créatif de l’artiste. Deux dessins préparatoires pour l’ensemble de La Chasse de Diane sont localisés, le premier dans une collection particulière et le second conservé dans le fonds du Louvre. Les deux œuvres sont réalisées sur papier bleu souvent utilisé par Louis de Boulogne qui permet à l’artiste de bien valoriser la craie blanche sur ce fond coloré. Dans le premier dessin l’artiste met en place sa composition, et esquisse rapidement et presque nerveusement les figures, ce qui procure une vivacité étonnante qui s’adapte particulièrement bien au sujet. Les rapports de lumière sont cependant déjà bien établis sur ce dessin, Boulogne éclairant violemment l’espace réservé à la déesse et laissant subtilement dans l’ombre les figures et éléments qui l’encadrent. L’artiste affine la représentation dans le dessin conservé au Louvre mais ne modifie ni la composition ni l’éclairage établis précédemment et qui seront mis en place dans l’œuvre définitive.

Louis de Boulogne a suivi assez fidèlement le texte d’Ovide (livre III) pour créer cet environnement poétique : « il était une vallée aux fourrés denses de pins et de cyprès aigus nommée Gargaphié, consacrée à Diane… Elle chassait, sa robe courte lui venait aux genoux, ses bras étaient nus… ». Diane, en effet, entourée des Oréades, ses compagnes, s’apprête à lancer son arme sur un sanglier.

Si l’œuvre évoque inévitablement La chasse de Diane de la galerie Borghèse peinte par le Dominiquin en 1617, l’invention poétique de Louis Boulogne est ici d’une présence rare. Claude-Henri Watelet (artiste et critique d'art) louait dès cette époque dans l’œuvre de Boulogne sa tonalité « fondue et caressée » que l’on retrouve de manière indéniable sur cette toile, séduisante par sa facture extrêmement lisse et par le coloris où dominent les bleus et les mordorés. Le pinceau souligne avec douceur comme une « caresse » le modelé subtil des corps des jeunes femmes.

Diane et ses compagnes se reposant après la chasse

Peinture 18 e

Une atmosphère particulière, douce et poétique, se dégage de ce tableau. Diane entourée de ses nymphes se reposent après la chasse, une biche qu’elle vient d’abattre gît à ses pieds, cependant l’animal semble dormir et sa présence ne rompt pas la sensation de quiétude qui baigne cette œuvre. Les rayons du soleil couchant créent des ombres soyeuses sur le corps des jeunes femmes et baignent le fond du paysage dans une belle lumière dorée. L’artiste fait dans cette oeuvre référence de manière scrupuleuse au texte d’Ovide, la composition, les gestes des nymphes, la façon dont Diane est vêtue au milieu de ses compagnes presque nues, et même la lumière enfin, résonnent de ce poème : « L’on voyait couler à main droite entre deux rivages tout verts, une eau plus claire que le cristal ; et c’était là que la Déesse des bois avait coutume de se baigner quand elle était lasse de chasser…ses cheveux lui pendaient sur le col… elle donnait à une nymphe son carquois… les nymphes étaient nues …[elles] avaient déjà puisé de l’eau… ». La qualité de l’œuvre est déjà évoquée dans le petit catalogue présentant les tableaux de la galerie du château de Châteauneuf-sur-Loire publié en 1786 qui indique : « ce tableau est recommandable par la beauté du dessin et l’harmonie de la couleur ».

Louis de Boulogne a traité plusieurs fois ce sujet. Au Salon de 1704 il présente un nombre impressionnant de dix-huit tableaux, dont une Diane se reposant après avoir chassé. Alu moins cinq autres versions sont attestées dans des collections au XVIIIe siècle dont une parmi les biens de Jean de Boulogne fils de l’artiste mais aucune de ces versions ne nous est parvenue, il est impossible d’affirmer qu’elles ont un quelconque lien avec le décor de Rambouillet.

L’élaboration de ce tableau est particulièrement bien documentée grâce à cinq dessins préparatoires. L’un, appartenant à une collection particulière, offre un premier jet de la composition. Quatre autres dessins, conservés au département des arts graphiques du musée du Louvre, confirment cette recherche de la précision de l’artiste. Parmi ces feuilles du Louvre, l’une est une première pensée pour la composition, Diane est représentée dénudée entourée de ses nymphes. Le dessin suivant affine la mise en place et précise les dimensions définitives par des indications manuscrites dans la marge en haut : « Pour le grand cabinet, 4 pieds 11 pouces de largeur ; sur le côté gauche : 3 pieds 3 pouces de hauteur ». On note très peu de variantes entre ce dessin déjà bien élaboré et le tableau. Les deux autres œuvres préparatoires sont des études de détails, l’une pour la compagne de Diane se lavant à l’arrière-plan et la dernière pour les deux nymphes endormies au premier plan à gauche. Dans l’œuvre achevée, ces deux jeunes nymphes assoupies appartiennent aux plus belles réalisations de Louis de Boulogne qui a opposé sur ce tableau la pâleur nacrée de l’une des jeunes femmes au hâle rustique de sa compagne. Cette jeune nymphe, au dos dénudé et dont les mèches brunes caressent le cou ambré, annonce de manière étonnante les figures de paysannes qui seront peintes au milieu du siècle suivant par les artistes réalistes.

L’artiste qui fut durablement marqué par son long séjour italien affirme très fortement cette influence dans ce tableau. Mais Boulogne avait également sous les yeux la riche collection de tableaux bolonais des collections royales, qui ne pouvaient que raviver les émotions ressenties en Italie. Les leçons de l’Albane sont ici perceptibles, il emprunte à cet artiste un dessin très pur et les douces carnations que l’on retrouve notamment dans deux tableaux de l’Albane représentant Actéon métamorphosé en cerf (musée du Louvre) provenant des collections de Louis XIV.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008