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18e siècle

Bacchus confié par Mercure aux nymphes du mont Nysa

COLLIN de VERMONT Hyacinthe

Versailles, 1693 - Paris, 1761

Bacchus confié par Mercure aux nymphes du mont Nysa

Huile sur toile

133 x 171 cm

Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010

Inv. :1803-1-4

Notice complète

L’œuvre de Hyacinthe Collin de Vermont a été en grande partie redécouvert ces dernières années. Collin de Vermont porte le prénom de son parrain Hyacinthe Rigaud. Proche du brillant portraitiste, qui sera un appui essentiel tout au long de sa carrière, Collin de Vermont sera son légataire universel, témoignage des liens qui les unissaient. Collin de Vermont fut également l’élève de Jean Jouvenet. Pensionnaire de l’Académie de France à Rome de 1716 à 1721, ses qualités seront reconnues par le directeur Poërson, qui écrit notamment : « Le Sr Colin.. a un goût assez juste, il imite bien et pourra acquérir une science solide ». Il revient en France en passant par Venise, et sera agréé puis reçu comme peintre d’histoire à l’Académie en 1725 sur présentation d’une « Naissance de Bacchus »(voir ci-dessous). Il expose alors assez régulièrement au Salon, tout en répondant à des commandes royales, pour Versailles et Trianon, Le berger Apulas transformé en olivier (Versailles, musée national du château et de Trianon), mais aussi pour Fontainebleau, L’Education de la Vierge, 1748, et pour les Gobelins, L’Arrivée de Roger dans l’île d’Alcine, 1740 (Grenoble, musée des beaux-arts)… . Collin de Vermont travaillera régulièrement pour l’Eglise, Présentation de la Vierge au temple, 1755 (Versailles, cathédrale Saint-Louis) ; Annonciation (Lyon, église Saint Just)… Il se montre particulièrement à l’aise dans ces grands formats. Mais l’artiste acquiert cependant une solide réputation de peintre d’histoire en présentant au Salon des esquisses retraçant l’histoire de Cyrus. Collin de Vermont fut un dessinateur accompli, mais également un excellent graveur, les critiques souligneront la justesse de son dessin mais lui reprocheront l’aspect terne de sa palette. L’artiste gravira progressivement les échelons de l’Académie devenant adjoint à professeur en 1733, professeur en 1740 puis adjoint à recteur de 1754 à 1761.

Bacchus confié par Mercure aux nymphes du mont Nysa

Agréé à l’Académie sur présentation de plusieurs tableaux le 27 octobre 1724, Hyacinthe Collin de Vermont reçoit son sujet de réception de Louis de Boullogne, alors directeur (voir à cet artiste). Le 29 décembre 1725 « M. Hyacinthe Collin de Paris, Peintre pour l’Histoire a présenté à la Compagnie un tableau représentant la Naissance de Bacchus… il a été reçu … et a ensuite prêté serment entre les mains de M. de Boullongne ». La scène suit fidèlement le récit mythologique emprunté aux Métamorphoses d’Ovide (III, 314-315). Mercure confie Bacchus, fruit des amours coupables de Jupiter avec Sémélé, la belle princesse de Thèbes, aux nymphes de Nysa « la plus jolie de toutes les vallées terrestres », afin de le préserver de la colère de Junon. « Mercure aussi léger que la pensée vole pour remplir sa mission ». Jupiter resté à l’écart dans le ciel, veille au bon déroulement de la précieuse entreprise. Collin de Vermont a choisi le moment où Mercure dépose Bacchus entre les mains de sa tante Ino, entourée par Les Hyades, les Heures et les Nymphes qui l’aideront à élever l’enfant. L’une d’entre elles, à gauche de l’œuvre, est déjà en train de traire une chèvre afin d’allaiter le jeune dieu. Une atmosphère idyllique et champêtre se dégage de cette composition centrée sur la présence lumineuse de l’enfant. L’ensemble se découpe sur un fond de paysage dont les masses colorées sont rapidement suggérées comme pour un décor de théâtre. La finesse du dessin, l’élégance des nymphes aux longs bras, la souplesse des figures sont caractéristiques de l’art de Collin de Vermont.

L’on peut s’interroger sur les similitudes étroites qui peuvent exister entre ce tableau et une œuvre de même sujet peinte par Jean-François de Troy en 1717 (Berlin, Gemäldegalerie). Les deux compositions épousent un même schéma pyramidal, les groupes de personnages s’organisent de manière très proche, et des rapports étroits existent également dans la représentation de la nymphe du premier plan mais aussi de Mercure. Si les analogies sont, il est vrai, plus que troublantes il est en revanche difficile d’affirmer que Collin de Vermont se soit inspiré directement du tableau de son aîné. Les deux peintres d’histoire avaient eu en effet une formation académique assez semblable encore marquée par les leçons de Poussin et de Le Brun, il n’est donc pas étonnant de retrouver dans l’un ou l’autre tableau des échos de cette formation. De plus le sujet fut régulièrement traité tout au long du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, et Collin de Vermont a donc pu s’inspirer de bien d’autres sources. Louis de Boullogne présente au Salon de 1704, une Naissance de Bacchus ; Bon Boullogne en avait réalisé également un, on peut citer encore un tableau de Joseph Christophe (collection particulière)… les modèles français étaient nombreux, mais Collin de Vermont avait pu également se souvenir des exemples vus en Italie. On sait, grâce à la correspondance des directeurs de l’Académie, qu’il eut le privilège de copier des œuvres dans les plus célèbres collections romaines, ainsi Poërson écrit-il au duc d’Antin : « Le Sr Colin .. qui est d’une belle éducation a gagné particulièrement les faveurs de son Eminence M. le Cardinal de la Trimouille, qui lui a procuré un avantage que personne n’avait pu obtenir depuis maintes années ; c’est de copier dans la fameuse galerie du Prince Don Livio… ». Sans doute avait-il pu également admirer le tableau peint par Giuseppe Chiari dans la collection des cardinaux Spada à Rome et aujourd’hui encore conservé au Palais Spada. L’on retrouve en effet sur le morceau de réception de Collin de Vermont une façon assez proche de traiter le paysage mais surtout le coup de vent qui gonfle les drapés, très présent sur le tableau de Chiari est perceptible également sur l’œuvre de Collin de Vermont.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008