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Huile sur toile
37,8 x 46,5 cm.
Achat chez Madame André Cabanel, antiquaire, Paris, en 1973
Inv. : 1973-2-1
Ce petit tableau de Hyacinthe Collin de Vermont appartient à la suite étonnante des trente-deux esquisses de la Cyropédie, bien documentée aujourd'hui. Cette longue série qui illustre l’histoire du roi Cyrus contribuera à la réputation du peintre d’histoire. L’artiste présenta à trois reprises cette série aux yeux du public. Tout d’abord, à l’occasion d’une élection d’officiers à l’Académie royale le 2 juillet 1735. Deux ans plus tard vingt et une esquisses de l’histoire de Cyrus figurent au Salon, puis en 1751 Collin de Vermont expose encore un ensemble d’œuvres illustrant des épisodes de cette même histoire. Si les commentaires concernant l’exposition de 1737 nous manquent cruellement en revanche ils sont plus précis pour celle de 1751. Le livret du Salon mentionne : « L’Histoire de Cyrus a été composée par l’auteur en 33 tableaux. En 1737 il en parut 16 au Salon, mais sans explication et sans suite. Cette année on a cru devoir en donner une de 17 tableaux qu’on expose, laquelle en ajoutant à ceux-ci quatre des anciens , formât comme un Abrégé complet de la vie de ce Prince ». On notera une certaine confusion, volontaire ou non, dans le nombre de tableaux mentionnés, cela finalement importe peu, puisque cette publication est extrêmement intéressante par ailleurs nous offrant notamment la description des dix-sept tableaux présentés à ce Salon, en particulier certains dont nous avons perdu la trace aujourd’hui.
La Cyropédie est restée dans la collection de l’artiste jusqu’à sa mort, puis fut vendue dans son ensemble au moment de la dispersion de son atelier en 1761. Elle passa alors entre les mains de différents propriétaires puis réapparut en juin 1904 au moment de la vente de la collection du comte de Quincey. Enfin, en 1925 les trente-deux esquisses furent malheureusement dispersées au cours d’une nouvelle vente. Sans cohérence, cet ensemble perdait une grande part de son intérêt. Passant régulièrement sur le marché de l’art, onze de ces esquisses sont aujourd’hui conservées dans les collections publiques françaises, et plusieurs autres sont bien localisées permettant une assez bonne connaissance de la série.
Ces œuvres sont de format et de dimensions identiques, hormis pour la première de la série qui, par une composition en hauteur initie en quelque sorte la suite. Ce premier tableau annonce la naissance de Cyrus avec Isaïe prophétise la naissance de Cyrus (localisation inconnue). On peut noter également une organisation de l’espace assez semblable sur chacune des œuvres connues aujourd’hui. La composition se développant en frise, et les protagonistes de chaque épisode étant représentés le plus souvent en pied, les silhouettes se détachant distinctement sur un fond traité comme un décor de théâtre. Collin de Vermont s’est inspirée pour l’iconographie de cette longue série de l’Histoire Sainte mais également des textes d’Hérodote, Xénophon, Justin et Joseph. De la naissance du futur roi à sa décapitation sur ordre de la reine Thomyris, les épisodes les plus marquants de la vie du monarque sont représentés par l’artiste. Le tableau de Tours, Le mariage de Cyrus et de Mandane, illustre le vingt huitième épisode du cycle. Après s’être emparé de Babylone, Cyrus passa en Médie où il rejoignit Darius qui le fit couronner d’or et lui donna en mariage sa fille Mandane . La scène reprend les rites précis du mariage romain : « la jonction des mains des époux et la prise des auspices en présence du grand Pontife et du flamine de Jupiter… la composition très symétrique établie de part et d’autre des époux met en valeur les deux gracieuses silhouettes bénies par les deux prêtres coiffés de la tiare et du turban orientaux ».
La Cyropédie était-elle destinée à la réalisation de tableaux de format plus important, de gravures ou de tapisseries ? Dès 1747 La Font de Saint-Yenne écrit que l’artiste : « exposa il y a quelques années une grande suite de celle de Cyrus…Le Public y admira le beau choix des évènements d’un règne aussi célèbre que celui de ce grand Roi des Perses. Ces esquisses coloriées avaient été faites pour être gravées, et les Curieux en verraient les estampes avec plaisir ». Cependant force est de constater que cette série ne fut jamais gravée. De plus l’absence de commande, le fait également que l’ensemble resta dans la propre collection de Collin de Vermont, témoignent du désir tout à fait personnel de l’artiste de réaliser cette ambitieuse entreprise. Ces petits tableaux ne sont pas non plus des esquisses préparatoires, il s’agit en fait, pour reprendre la jolie expression du comte de Caylus devant ces œuvres « d’esquisses arrêtées ». Xavier Salmon émet l’hypothèse qu’il faut vraisemblablement voir dans cette série une sorte d’hommage à Le Brun , « un moderne écho à l’Histoire d’Alexandre, mais à des dimensions beaucoup plus faibles ». Par ces œuvres l’artiste s’inscrit dans la suite du peintre à qui il vouait une immense admiration. Collin de Vermont possédait les gravures réalisées par Audran d’après l’Histoire d’Alexandre de Le Brun. On peut relever l’influence manifeste de cette œuvre sur la Cyropédie qui passa d’ailleurs en vente en 1904 sous l’attribution au premier peintre du roi, ce qui sans doute n’aurait pas déplu à Collin de Vermont.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008