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Huile sur toile
H. 199 cm. L. 162 cm.
Envoi de l’Etat, 26 mai 1820
Inv. : 1825-1-16
Elève de son père René-Antoine Houasse qui fut un disciple fidèle puis un collaborateur de Charles le Brun, Michel-Ange Houasse reçoit auprès de lui une formation académique complète. Lorsque son père René-Antoine est nommé directeur de l’Académie de France à Rome en 1699, Michel-Ange l’accompagne et reste en Italie jusqu’en 1705, date à laquelle il revient à Paris. C’est dans un milieu familial particulièrement favorable qu’il poursuit sa formation au sein de l’Académie royale, l’un de ses beaux-frères est en effet le sculpteur Nicolas Coustou, un autre le sculpteur Pierre Le Gros.
Agréé à l’Académie en 1706 il est reçu comme peintre d’histoire l’année suivante sur présentation du tableau conservé au musée de Tours, représentant Hercule jetant Lycas dans la mer.
C’est auprès de la cour d’Espagne que Michel Ange Houasse fera une grande partie de sa carrière. Si le tableau du musée de Tours est actuellement la seule oeuvre de Houasse conservée dans une collection publique française, monuments et musées espagnols possèdent en revanche un nombre important de tableaux témoignant du rôle officiel que l’artiste tiendra auprès de cette cour. Le jeune Philippe V le fit venir de France par l’intermédiaire de l’un de ses ministres et conseiller Jean Orry. Houasse arrive à Madrid en 1715. Tout d’abord chargé de réaliser les portraits du roi et de sa famille, (Portrait de Louis Ier, 1717 (Madrid, musée du Prado) il sera rapidement remplacé dans cette fonction par Jean Ranc, qui se révèle plus à l’aise dans ce genre. En revanche Houasse aborde la peinture d’histoire, de genre et surtout le paysage avec une audacieuse modernité qui peut surprendre encore aujourd’hui. Son œuvre assez éclectique est cependant difficilement classable, Houasse réalise de grands tableaux religieux Retable de saint François Régis, pour le noviciat de Madrid (Madrid, musée du Prado), ou encore des bacchanales, manifestement redevables de Poussin, puis dans un registre très différent, des scènes champêtres inspirées du répertoire flamand et hollandais, ou encore des compositions proches de la Comédie italienne, Le jeu de billard (Palais de Riofrio).
Les historiens de l’art soulignent aujourd’hui le rôle essentiel de Houasse sur la peinture espagnole de la première moitié du XVIIIe siècle. Ainsi, sa palette souvent éclatante, comme en témoigne Le Muchacho negro (Madrid, Palais de Oriente), ouvrit, la peinture espagnole à la vivacité et au brio coloré des turqueries à la française. Plusieurs artistes espagnols furent ses élèves, notamment Juan Bautista de la Pena, Gonzales Ruiz…
Hercule jetant Lycas dans la mer
Entré dans les collections du musée par dépôt de l’Etat en 1820 sous l’attribution à l’école de Boulogne et comme illustrant un épisode différent de l’histoire d’Hercule, celui opposant le héros au géant Antée, ce tableau sera dans le premier guide du musée, publié en 1825, classé parmi les œuvres de Michel Corneille. Dès l’édition du guide suivant en 1838, l’iconographie exacte de cette œuvre est établie et une longue notice décrit avec précision le sujet : « … Le tableau représente l’instant où Hercule, couvert de la tunique tachée du sang de Nessus, enlève Lychas pour le jeter à la mer. A ses pieds sont son arc, sa massue et la dépouille du lion de la forêt de Némée. On voit fuir un satyre effrayé vers des Naïades… ». Les différents guides du musée publiés tout au long du XIXe siècle et jusqu’en 1911, maintiendront l’attribution à Michel Corneille, ce n’est qu’en 1962 grâce à Boris Lossky, conservateur au musée de Tours, que l’identification exacte de ce tableau sera faite. Prudemment, Lossky indique que : « ce tableau paraît devoir s’identifier en réalité avec le morceau de réception de M.-A. Houasse traitant ce sujet… ». Lossky tout en soulignant les raisons stylistiques qui ne permettent pas de conserver l’attribution à Michel Corneille, rappelle que ce sujet, rare dans le répertoire de la peinture mythologique, fut précisément celui traité par Houasse pour son morceau de réception à l'Académie royale de peinture et de sculpture et que les dimensions de ce tableau indiquées par Nicolas Guérin en 1715 : 5 pieds sur 6 (soit 1,62 m sur 1,944 m) correspondent à celles du tableau de Tours. Lossky cependant n’avait pas trouvé la date et les conditions dans lesquelles ce tableau était entré dans les collections du musée. La connaissance plus affinée que nous avons aujourd’hui de l’histoire de la réception de Houasse permet de confirmer que ce tableau est en effet celui présenté par l’artiste à l’Académie royale le 24 septembre 1707.
Le 27 novembre 1706, Michel-Ange Houassse se présente à l’Académie royale afin d’y être agréé. Il reçoit le sujet de son tableau de Jean Jouvenet, directeur de l’Académie. Près de deux mois plus tard, le 29 janvier 1707, Houasse apporte « son esquisse de sujet, représentant Hercule qui jette Lycas dans la mer, laquelle a été agréée à la pluralité des voix. Il l’exécutera dans un tableau de grandeur ordinaire dans six mois » selon le procès-verbal de l'Académie. Le 24 septembre 1707, Houasse est reçu sur présentation de ce tableau. En 1715 Nicolas Guérin localise cette oeuvre dans la troisième salle de l’Académie royale, le tableau de Houasse est alors proche de deux autres morceaux de réception conservés au musée de Tours, celui de Sébastien Le Clerc et de Pierre de Saint-Yves. Guérin décrit longuement la toile de Houasse : « …Hercule devenu furieux pour avoir endossé la chemise du centaure Nessé, et jetant Lichas qui la lui avait apportée dans la mer… Ovide qui raconte le fait prétend qu’il prit le Valet par le bras, et qu’il lui fit faire en l’air deux ou trois tours pour le lancer dans la mer comme une fronde fait une pierre. Ici le Peintre par licence, et sans doute pour former un plus beau groupe de ces deux figures, a feint qu’Hercule, pour exercer son dessein, prend Lichas par le milieu du corps ».
L’artiste dans la représentation de ce groupe met à profit les leçons d’étude sur le modèle reçues à l’Académie. L’un des plus célèbres dessins de Michel-Ange Houasse représente précisément une séance d’étude sur le modèle vivant (musée du Louvre, département des arts graphiques) sujet qu’il reprendra quelques années plus tard pour un tableau conservé au palais royal de Madrid (Academia de dibujo, huile sur toile, 61 x 72,5 cm.). Mais l’artiste pouvait également s’inspirer des nombreuses œuvres de ses professeurs présentées à l’Académie. Le groupe formé par Hercule et Lycas dans le morceau de réception de Houasse semble en particulier proche de dessins de Jean Jouvenet lui même, notamment de ses études de double académie. On peut d’ailleurs considérer le tableau de Houasse comme une double académie, le corps des deux hommes dominant avec force toute la composition. La musculature puissante d’Hercule est éclairée d’une belle couleur cuivrée qui contraste avec l’obscurité du paysage ne laissant apparaître que quelques fantomatiques formes, celle d’un rocher, de la peau du lion de Némée ou encore d’un satyre. Si le visage de Lycas reste dans l’ombre, celui d’Hercule, marqué par la fureur, capte le regard. On peut souligner les analogies existants entre le visage d’Hercule sur ce tableau de Houasse et celui illustrant l’expression de La Colère sur l’un des dessins de Charles Le Brun, réalisé par le premier peintre du roi au cours de ses recherches pour le Traité des passions.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008