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18e siècle

Vue de la Loire entre Amboise et Lussault

HOUEL Jean-Pierre-Louis-Laurent

Rouen, 1735 - Paris, 1813

Vue de la Loire entre Amboise et Lussault

Huile sur toile

84 x 161,5 cm.

Saisie révolutionnaire, château de Chanteloup, 1794

Inv. : 1794-1-12

Notice complète

Après une première formation chez Jean-Baptiste Descamps, auprès de qui il apprend le dessin, Jean-Pierre Houël travaille chez l’architecte rouennais Thibault le Vieux. C’est probablement dans cet atelier qu’il sera plus particulièrement sensibilisé à l’architecture, l’un de ses sujets de prédilection quelques années plus tard. Il poursuit sa formation à Paris, pendant une dizaine d’années à partir de 1755, chez le graveur Jacques Philippe le Bas. Il se consacre alors essentiellement à l’estampe réalisant des gravures d’interprétation ou des compositions personnelles. Puis Houël peint ses premiers tableaux à partir de 1764 dans l’atelier de François Canova, il est alors remarqué par la société parisienne influente, et trouvera des appuis qui joueront un rôle déterminant sur sa carrière. C’est ainsi qu’il rencontre le duc de Choiseul pour qui il réalisera plusieurs tableaux au château de Chanteloup. La protection du duc et le soutien de Cochin lui permettront d’obtenir une place à l’Académie de France à Rome sans avoir concouru au Grand Prix. Il séjourne une première fois en Italie de 1769 à 1772, découvre Naples et la Sicile et réalise des dessins qui témoignent de sa sensibilité devant ces paysages nouveaux. A son retour à Paris, Houël peint des paysages qui montrent son attachement à l’Italie, il expose en particulier au Salon de 1775 de nombreuses vues de Rome, de Naples et de Sicile. Il repart pour la Sicile l’année suivante, avec un projet précis, qui sera en fait la grande réalisation de sa vie, écrire et illustrer un ouvrage consacré à cette île. Les quatre volumes du Voyage pittoresque des Isles de Sicile, de Malte et de Lipari seront publiés entre 1782 et 1787.

Vue de la Lore entre Amboise et Lussault

Jean-Pierre Houël séjourne pendant plusieurs mois au château de Chanteloup, à la demande du duc de Choiseul pour réaliser sur place un ensemble de tableaux. On sait notamment, grâce à la correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome, que son départ pour l’Italie sera retardé par cette commande. Ainsi, Cochin écrit-il le 16 septembre 1768 à Marigny : « un obstacle ..se rencontre au départ du Sr Hoüel, peintre de paysage, à qui vous avez accordé la pension du Roy à l’Académie de Rome. M. le duc de Choyseul a besoin de ses talents pour plusieurs mois ». En mai 1768 pourtant, les comptes des bâtiments du roi avaient débloqué la somme de 300 livres pour le « Sr Houel nommé à Rome par gratification, en considération des frais de voyage qu’il va faire pour se rendre à Rome », mais il ne partira qu’un an plus tard. Il quitte la France en effet en mai 1769, emportant avec lui une lettre de recommandation de Choiseul adressée au marquis d’Aubeterre (ambassadeur à Rome). Cette lettre confirme le rôle important que Choiseul va jouer dans ce premier séjour de l’artiste en Italie, d’autant que cette même lettre était adressée également aux divers ministres du roi en Italie, c’est à dire à Naples, Parme, Venise etc...

Les différents inventaires révolutionnaires mentionnent treize tableaux réalisés par Houël pendant son séjour au château de Chanteloup et transférés, après la saisie, au musée. Ces treize tableaux comprennent dix paysages représentant essentiellement les environs d’Amboise ou des vues de Chanteloup et trois pastorales ovales. Seuls quatre paysages, sur les dix mentionnés par les inventaires sont clairement identifiés dans les collections du musée au début du dix-neuvième siècle, notamment dans le catalogue publié en 1825. Ces tableaux sont localisés sur les inventaires dans « la salle de musique » du château de Chanteloup. Grâce aux recherches effectuées pour l’exposition Chanteloup, un moment de grâce autour du duc de Choiseul, on connaît désormais trois autres peintures de la série, aujourd’hui dans des collections particulières, vendues vraisemblablement à l’époque révolutionnaire. L’une, datée de 1768, a permis d’avancer d’un an la date de la commande. En 1975, sont légués au musée deux autres tableaux avec l’attribution à Houël confirmée par la comparaison avec d’autres œuvres de l’artiste.

Les anciens catalogues du musée ont identifié cette vue comme étant prise au bord de la Loire à la hauteur de Montlouis, ville se situant à équidistance entre Amboise et Tours. Il faut plus exactement situer le point de vue choisi par Houël sur la rive se trouvant en contrebas du château de Chanteloup, proche du village de Lussault. Cette vue, prise depuis la rive sud de la Loire, permet de voir, côté nord de façon presque énigmatique à gauche, le village de Négron et le pont d’Amboise, ainsi que la flèche de l’église Saint-Denis.

C’est probablement auprès de Jean-Baptiste Descamps, auteur de la Vie des peintres flamands, allemands et hollandais (1753-1764), que Jean-Pierre Houël découvrira la peinture nordique qui jouera un rôle déterminant sur sa production. Ce tableau et les trois suivants ont été souvent cités comme exemple parfait de l’influence des peintres hollandais du Siècle d’or sur l’œuvre de Houël. On peut citer en particulier, pour ces quatre peintures, des analogies avec l’œuvre de Jacob van Ruisdael. On y retrouve en effet une composition proche des œuvres du maître hollandais, offrant une vue largement panoramique, sans l’introduction d’éléments artificiellement « repoussoirs » au premier plan. Houël tout au contraire amène, dans ces quatre tableaux, l’œil du spectateur à passer en douceur et de manière successive d’un plan à un autre. La composition des quatre tableaux est établie sur le même modèle plaçant la ligne d’horizon assez bas de manière à offrir au ciel une large place. Si l’influence des peintres nordiques est ici évidente, certains auteurs ont également évoqué celle de Joseph Vernet.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008