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Huile sur toile
128 x 188 cm.
Envoi de l’Etat, 1892
Inv. : D. 1942-1-1
Elève de Joseph Vernet, Jean-François Hue semble avoir également suivi les cours de Doyen auprès de qui il apprit le dessin de la figure. L’artiste est reçu à l’Académie royale comme peintre de paysages en 1782 sur présentation de Vue prise dans la forêt de Fontainebleau (Châtillon sur Seine, musée du Châtillonnais). Cette œuvre, qui sera admirée par la critique, place Hue parmi ces paysagistes qui, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, adoptent de nouvelles méthodes de travail en dessinant et peignant en contact direct avec la nature. Hue séjourne à Rome entre 1785 et 1786 et réalise sur place de nombreuses études. Ce voyage qui ne dure qu’une année le marquera pourtant profondément, il continuera longtemps après ce séjour à exposer des paysages inspirés par les sites italiens. Il a le plus souvent dans ces tableaux recours à l’anecdote, par la présence de personnages ou de héros empruntés à l’antiquité classique, qui d’une certaine manière justifient le sujet représenté. Parallèlement Hue réalise des marines, privilégiant les aspects les plus violents de la nature : incendies, naufrages, tempêtes, orages… qui lui permettent de mettre en place des effets saisissants. Sa réputation dans ce genre lui permet d’obtenir en 1791 l’autorisation de l’Assemblée Constituante de continuer la suite des Ports de France, laissée inachevée depuis de nombreuses années par son maître. De 1791 à 1800 il réalisera six grands tableaux pour ce vaste programme (Paris, musée de la Marine). Hue expose très régulièrement au Salon de 1779 à 1822, présentant à chaque fois de nombreuses œuvres. Pendant la période révolutionnaire, Hue, comme bien d’autres peintres jouera un rôle dans la conservation et la restauration des œuvres du « Museum central des Arts ».
Vue des cascatelles de Tivoli et du temple de la Sibylle
Ce site de Tivoli connut auprès des peintres un immense succès, en particulier au XVIIIe siècle. La situation exceptionnelle du lieu présentant le Temple de la Sibylle au bord d’un éperon rocheux, l’œuvre de l’homme venant ainsi comme couronner celle de la nature, rend cet endroit particulièrement pittoresque. Il ne peut que retenir l’attention des artistes notamment dans la deuxième moitié du siècle marqué par le courant et les émotions pré-romantiques. Hubert Robert, Fragonard, l’abbé de Saint-Non… mais aussi le maître de Jean-François Hue, Joseph Vernet ont représenté, parfois même à plusieurs reprises, ce lieu.
Ce tableau, daté de 1786, est présenté au Salon l’année suivante. Le livret de cette exposition nous livre des informations précieuses puisqu’il précise le sujet exact de ce paysage et nous donne le nom du propriétaire de l’œuvre : « Vue des Cascatelles de Tivoli et du Temple de la Sybille : la figure que l’on y voit est Horace méditant. Ce Tableau de 7 pieds de large, sur 5 de haut appartient à M . le Président Bernard ». Ange-François-Charles Bernard était Président de la Cour des Aides, il possédait notamment dans sa collection deux tableaux de Hue, ainsi que plusieurs œuvres de Joseph Vernet. Tivoli était l’un des lieux de résidence supposé d’Horace, la présence du poète sert donc de justification à ce tableau, l’artiste affirme dans cette composition à la fois sa connaissance de l’antiquité classique ainsi que sa maîtrise à représenter la nature dans la puissance et la magie de sa diversité. Les arbres morts pris par le vent, l’importance démesurée des cascades qui viennent éclabousser violemment les pierres, le ciel menaçant, l’horizon aux teintes violines, les rochers aux formes anthropomorphiques, et enfin la silhouette extrêmement petite du poète dans cette nature particulièrement présente, féerique et oppressante à la fois, offrent à ce paysage des accents pré-romantiques forts. L’artiste manifeste dans cette œuvre son attachement aux leçons de Vernet, fidèle notamment à certaines formules de son maître pour rendre avec sensibilité les variations atmosphériques, tout en s’inscrivant parmi les peintres modernes de paysage.
La date de 1786 ne peut pas laisser supposer que l’œuvre fut réalisée par Hue durant son séjour en Italie, le format même de la toile rend le fait difficilement imaginable, de plus la composition n’est pas fidèle à la réalité. En effet, l’horizon montagneux et le lac ne correspondent pas à la topographie du lieu. L’œuvre a de tout évidence été réalisée de mémoire en atelier ou d’après des croquis réalisés sur place. Le site est suffisamment impressionnant pour que le souvenir en ait exagéré la réalité. Il est probable cependant que l’artiste soit allé à Tivoli. De plus le site de Tivoli a manifestement séduit Jean-François Hue qui, au Salon de 1787, présente une seconde composition sur ce sujet Le Temple de la Sybille et la campagne de Tivoli, éclairés au soleil couchant, puis au Salon de 1791 deux autres tableaux « petit tableau représentant la Cascade de Tivoly » (7) et Vue de la Campagne de Tivoli. Le catalogue de la vente après décès de l’artiste mentionne encore une « Belle étude terminée, représentant une cascade de Tivoli, faite sur les lieux» et un « Paysage orné de figures, sur le devant à droite, sont les cascades de Tivoli».
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008