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Huile sur toile
64 x 54,5 cm.
Don de la comtesse de Cossé-Brissac, née Charlotte de Biencourt, 1942
Inv. : 1942-4-4
Après une première formation à Stockholm auprès de Georg Engelhard Schröder (1684-1750) peintre de la cour de Suède, Roslin est nommé, en 1745, peintre de la cour du Margrave Frédéric de Brandebourg-Culmbach. Il passe trois ans dans cette petite cour allemande puis part pour l’Autriche avant de séjourner en Italie. Il voyage à Venise, Florence, Rome puis Parme et, sans doute sur la recommandation de la duchesse de Parme, arrive à Paris en 1752. Sa carrière sera alors presque exclusivement parisienne pendant près de quarante ans. Son talent et certains appuis lui permettront, bien qu’étant étranger et protestant, d’être agréé puis reçu à l’Académie Royale comme peintre de portraits en 1753. A partir de cette date, Alexandre Roslin expose très régulièrement au Salon. Il portraiture les membres de la Cour, le marquis de Marigny, le duc de Choiseul-Praslin (Versailles, musée national du château et de Trianon), mais aussi l’aristocratie et la bourgeoisie parisienne. Son œuvre, élégante, raffinée, est le reflet vivace de cette société, mais Roslin réalisera également de nombreux portraits d’artistes, d’écrivains et d’acteurs, qui font partie d’un des aspects les plus personnels de sa production (Portrait de Marmontel, 1767, Paris, musée du Louvre). Visiblement marqué par son séjour en Italie, Roslin fait preuve d’un raffinement extrême dans la représentation des tissus qu’il traite avec brio, mais c’est manifestement la confrontation avec les productions artistiques françaises qui lui permettra d’affirmer sa personnalité.
Elu, lors d’un séjour en Suède en 1773, à l’Académie royale des beaux-arts de Stockholm en qualité de membre étranger, Roslin, qui dans les premières années de sa carrière en France signait : Roslin le suédois, était devenu, par sa brillante carrière parisienne, un peintre français aux yeux de ses compatriotes.
Portrait de François Pierre du Cluzel en tenue de chasse ( 1734 – Tours, 1783)
Trois portraits d’Alexandre Roslin entrent dans les collections du musée de Tours en 1942 parmi un ensemble d’œuvres de premier ordre donné généreusement par la comtesse de Cossé Brissac. Cette donation importante comprenant des peintures, sculptures, dessins, mobilier, livres et objets d’arts provenait de la collection de François-Pierre du Cluzel qui fut un brillant intendant de la généralité de Touraine au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Toutes ces œuvres avaient été, pour la majorité d’entre elles, choisies ou commandées par l’intendant lui même et provenaient du château de Blanville (Eure-et-Loir), propriété familiale acquise par le père de François-Pierre du Cluzel en 1738.
Contrairement aux deux portraits de Monsieur et Madame de Flandre de Brunville (notices suivantes) ce tableau n’est pas signé, le nom de Roslin nous est cependant précisé sur une estampe en contrepartie gravée d’après cette œuvre par Jacques-Firmin Beauvarlet. Fils de Léonard du Cluzel, fermier général, François-Pierre du Cluzel, est né dans le château familial du Cluzel à Cujac près de Périgueux en 1734. Après avoir effectué des études de droit à Paris, il est nommé maître des requêtes en 1759, puis sept ans plus tard, grâce notamment à la protection du duc de Choiseul, Intendant de la généralité de Tours, vaste territoire qui regroupe les provinces de la Touraine, de l’Anjou et du Maine. Du Cluzel accède ainsi à l’un des plus hauts postes de l’administration royale.
Son action en Touraine sera largement appréciée par ses contemporains. L’intendant donnera en effet un essor économique déterminant à la généralité, consacrant en particulier des efforts significatifs à l’industrie de la soie et au développement du commerce, tout en jouant un rôle non négligeable sur les diminutions d’impôt. Partageant les principes de Turgot, il fait diminuer le montant de la taille et aménager les corvées. Mais l’histoire retiendra surtout son rôle essentiel dans le développement urbanistique de la ville de Tours. Grâce aux initiatives de du Cluzel, la ville, qui était jusqu’alors enfermée derrière ses remparts se développait d’est en ouest dans un dédale de ruelles et s’ouvre largement par la percée d’une grande voie du nord au sud. Tours offre alors l’image d’une ville qui se laisse découvrir avec fierté. Elle devient ainsi grâce à ce nouveau tracé et aux remaniements architecturaux qui en découlent, une cité moderne, longtemps citée en exemple, et un grand carrefour vers la route d’Espagne. Du Cluzel fera également réaliser des travaux importants sur les levées pour limiter les risques liés aux crues récurrentes de la Loire.
Proche du duc de Choiseul et de son entourage, du Cluzel est véritablement un homme des Lumières manifestement à l’écoute des réformes préconisées par les Encyclopédistes. Il fréquente les salons, c’est un collectionneur averti, un esprit éclairé entretenant des relations épistolaires avec Voltaire. Il épouse en 1758 Marie-Françoise de Flandre de Brunville et achète en 1765, à François-Camille de Polignac, la seigneurie de Montpipeau près d’Orléans, qui sera à sa demande érigée en marquisat. François-Pierre du Cluzel, chevalier, marquis de Montpipeau, baron du Chéray, seigneur de Blanville, Héronville et autres lieux, conseiller du Roi en tous ses conseils, intendant de justice, police et finance de la généralité de Tours, décède à Tours le 9 août 1783.
Ce tableau a vraisemblablement été réalisé par Roslin à une date proche des deux portraits de Monsieur et Madame de Flandre de Brunville. La fraîcheur et la simplicité de ce portrait en donnent toute la saveur, Alexandre Roslin a su avec une belle retenue, caractéristique de certains de ses portraits, fixer les traits du jeune homme.
En 1766 Beauvarlet réalise une seconde estampe présentant du Cluzel dans ses nouvelles fonctions d’Intendant (voir œuvres en rapport). Le visage s’est un peu alourdi, et du Cluzel porte le costume de maître des requêtes, mais la composition reste tout à fait identique à celle réalisée par Roslin quelques années auparavant. Le nom de Roslin est également mentionné sous cette estampe, mais un deuxième portrait de du Cluzel par le peintre n’a pas été répertorié. On peut sans doute penser que Beauvarlet, peut être en réponse à une commande de l’Intendant, a repris sa première composition pour l’actualiser.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008