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Huile sur toile
156,5 x 196 cm.
Dépôt de l'Etat, 1803, transfert de propriété à la Ville de Tours, 2010
Inv. :1803-1-20
Les premières années de formation de Pierre de Saint-Yves restent totalement inconnues. On sait cependant qu’il était page de Mademoiselle de Guise, qui le fit élever avec soin à Paris et voyant ses dispositions pour la peinture le fit envoyé à Rome comme pensionnaire du Roi. L’artiste né en Ardennes est cité pour la première fois en septembre 1696, date à laquelle il quitte Paris pour l’Académie de France à Rome. Il restera six ans en Italie, de décembre 1696 à septembre 1702, et son séjour est régulièrement documenté par des courriers échangés entre le Surintendant Villacerf et La Teulière, alors directeur de l’Académie à Rome. Saint-Yves occupe principalement son séjour à exécuter, le plus souvent en compagnie d’Henri de Favanne, des copies de Raphaël dans les Loges du Vatican ainsi que des œuvres du Titien et du Dominiquin.
Après des débuts très prometteurs, Saint-Yves ne semble plus à partir de 1698 répondre à tous les espoirs que le marquis de Villacerf avait mis en lui. La Teulière écrit à Villacerf : « Le Sr de St-Yves ne manque pas d’esprit … mais ce sont de ces sortes d’esprit qui ne sont pas nés pour s’élever bien haut… Je ne vois pas d’apparence bien certaine qu’il devienne un assez bon Peintre pour faire honneur à notre Académie ; il pourra le devenir pour faire quelque petit tableau de chevalet ». Pierre de Saint-Yves après un passage probable en Lombardie, quitte Rome en 1702 et sera agréé à l’Académie Royale deux ans plus tard avant d’être reçu en 1708 sur présentation du Sacrifice de la fille de Jephté. Son morceau de réception est aujourd’hui la seule et unique œuvre connue, aucune autre peinture ou dessin n’étant en effet répertorié sous le nom de cet artiste. La carrière de Saint-Yves reste donc totalement énigmatique.
Le Sacrifice de la fille de Jephté
Agréé à l’Académie le 30 août 1704, Pierre de Saint-Yves reçoit du directeur Antoine Coyzevox son sujet de réception, le 31 décembre de la même année il présente l’esquisse de ce tableau représentant Jephté qui offre sa fille en sacrifice, et à la pluralité des voix, cette esquisse a été agréée pour l’exécuter dans un tableau de grandeur ordinaire dans six mois. Ce délai imposé n’est pas respecté par Saint-Yves qui apporte son tableau de réception le 28 janvier 1708. Difficile d’analyser cette œuvre qui reste l’unique tableau connu réalisé par Pierre de Saint-Yves, aucun élément de comparaison n’est donc possible. L’Inspecteur général des musées de province, le comte Clément de Ris, à l’occasion d’une de ses visites au musée de Tours en 1871, jugera sévèrement cette œuvre : « qu’est-ce que Saint-Yves ? quelles autres œuvres a-t-il laissées ? où sont-elles ? Après avoir vu le vœu de Jephté, je n’ai pas cherché à le savoir ». Cette peinture cependant est intéressante, car elle est le témoignage de l’aboutissement de la formation académique d’un artiste en France et en Italie dans ces années marquées par la fin du règne de Louis XIV. Le sujet même de ce tableau emprunté à l’Ancien Testament (Juges-XI-30-40) correspond particulièrement aux thèmes imposés dans ce contexte. L’œuvre, de qualité modeste, est révélatrice des productions d’un artiste qui a assimilé les leçons académiques mais qui était manifestement sans personnalité. Dans cette composition en frise, Saint-Yves met en scène les différents protagonistes liés au sujet, chacune de ces figures s’inspire de modèles vus et copiés. L’homme vu de dos à la musculature puissante, le soldat casqué à droite de l’œuvre révèlent une belle habileté de dessinateur mais surtout témoignent de l’influence de certains professeurs de l’Académie, en particulier celle de René-Antoine Houasse directeur de l’Académie de France à Rome à partir de 1699. Un temple imposant et un mur orné de pilastres ferment l’espace de manière théâtrale. La lumière éclaire la figure de Jephté au centre de la composition, mais tout ceci manque d’originalité et Saint-Yves semble, dans ce tableau, répondre par bien des signes et de manière presque systématique aux préceptes de l’Académie.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008