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Huile sur toile
47 x 63 cm.
Legs Albert Pomme de Mirimonde au musée du Louvre (inv. R.F. 1985-74) , affecté au musée de Tours par décision testamentaire en 1986.
Inv. : D. 986-1-7
Après un premier apprentissage à Uzès auprès de son père Mathieu Subleyras, modeste peintre local, Pierre rejoint à Toulouse l’atelier alors le plus réputé de la ville, celui d’Antoine Rivalz (1667-1738). Il y restera une première fois de 1717 à 1719 avant de repartir à Uzès, et rejoint à nouveau l’atelier de Rivalz de 1722 jusqu’en 1726 date à laquelle il part à Paris. Il remporte l’année suivante le Grand Prix avec Le Serpent d’airain (Nîmes, musée des Beaux-Arts).Pierre Subleyras s’installe à Rome à partir de 1728 et commence alors une carrière qui sera exclusivement italienne. Il répond à de nombreuses commandes de l’Eglise, en premier lieu celles du nouveau pape Benoît XIV dont il fait le portrait en 1740 (Versailles, musée national du château et de Trianon). La même année il est élu membre de l’Académie de Saint-Luc. Subleyras peint pour différentes communautés religieuses, les Olivétains de Pérouse, les Camilliens… il réalise le grand Repas chez Simon en 1737 (Paris, musée du Louvre) sur la commande des chanoines de Saint-Jean-de-Latran pour le réfectoire de Santa Maria Nuova d’Asti et pour Saint-Pierre de Rome un grand tableau d’autel, dans lequel il fait preuve d’un réalisme étonnant : La messe grecque dite par saint Basile, 1745 (Rome, Sainte-Marie-des-Anges)..
L’artiste devient également le peintre de la vie des saints (Saint Benoît ressuscitant un enfant, Rome, église Sainte-Françoise-Romaine). Ces compositions claires, où les masses sont placées avec science témoignent de l’héritage classique de cet artiste surnommé à ce titre par le chroniqueur Pasqualino le «Pussino moderno ». Mais l’activité du peintre ne se résume pas à ces seuls tableaux religieux, il est également un remarquable portraitiste et réalise des scènes de genre aux sujets parfois coquins, en particulier celles qui illustrent les contes de la Fontaine (La courtisane amoureuse, Paris, musée du Louvre). Si l’artiste ne quittera plus l’Italie, bien qu’il soit vivement sollicité pour revenir à Toulouse afin de succéder à Rivalz mort en 1735, il réalisera en revanche de nombreux tableaux pour la France, L’Assomption (cathédrale de Grasse), La Sainte Famille, (cathédrale de Toulouse). Ce coloriste raffiné sut avec un talent rare faire vibrer les blancs sur les tissus comme sur les chairs. Caron passant les ombres (Paris, musée du Louvre) est à ce titre un véritable chef d’œuvre.
L’Adoration des Rois Mages, vers 1716-1718
Cette Adoration des Mages de Pierre Subleyras est l’esquisse préparatoire au tableau conservé à la Residenzgalerie de Salzbourg (voir œuvres en rapport). Cette toile de Salzbourg est essentielle pour la connaissance de l’artiste car elle est signée et datée et témoigne du talent extrêmement précoce de Subleyras. Si l’on hésite encore à lire sur la toile 1716 ou 1718, ces deux millésimes placent de toute façon cette œuvre dans les toutes premières années de la formation de l’artiste. Elle est également bien documentée, grâce aux recherches effectuées par Pierre Rosenberg. L’esquisse de ce tableau est entrée dans les collections du musée de Tours en 1986 avec son pendant Le Songe de Joseph (notice suivante).
Les historiens d'art ont souligné les rapports existants entre une dizaine de tableaux, tous de sujets religieux, et réalisés par Pierre Subleyras au cours de ses premières années d’apprentissage dans le midi de la France. Ces dix tableaux se distinguent par un goût très marqué pour les contrastes vigoureux d’ombres et de lumières (révélateurs pour certains auteurs de l’influence du caravagisme) et une exécution rapide et robuste, parfois encore malhabile mais non sans saveur. Les deux esquisses de Tours qui appartiennent à cet ensemble sont en effet d’une présence et d’une force étonnantes. La personnalité de l’artiste, sa maîtrise de la composition et de la mise en place de la lumière, sont saisissantes, on comprend bien devant ces deux tableaux pourquoi Dezallier d’Argenville (1680-1765, historien d'art, collectionneur) écrit en 1762 dans la notice qu’il consacre à Subleyras : « il fit dès le jeune âge des compositions de tous les sujets de l’histoire sacrée et profane qui sentoient déjà le grand maître ».
L’héritage italien, transmis par son maître Antoine Rivalz est ici manifeste, notamment dans le groupe d’hommes très caravagesque placé à droite dans l’Adoration des Mages, mais également dans le traitement des drapés aux plis cassés tels du papier froissé, à la manière de Schedone, bien visibles en particulier pour la tunique de la Vierge dans Le Songe de Joseph. La lumière modulée en forts contrastes confère à ces deux œuvres une présence intense, une impression de grandeur spirituelle assez troublante. Subleyras place dans ces deux esquisses des masses sombres presque noires, d’où surgissent les figures aux couleurs éclatantes. Le coloris savoureux et savant montre à quel point l’artiste domine déjà ce sujet. Dans L’Adoration des Mages le regard est tout d’abord capté par la figure de Balthazar enveloppé dans des drapés vert amande, vert absinthe et rose, mais le traitement de la couleur sur les autres personnages est également très subtil. Des empâtements légers aux accents dorés font vibrer les couleurs, les font bouger. On peut noter certes quelques maladresses, notamment dans Le Songe de Joseph, pour la représentation de la main gauche de l’ange trop longue, trop fine ou dans celle du torse de Joseph, mais la force qui se dégage de ces deux esquisses supplée amplement à ces incorrections.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008