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18e siècle

Timoléon à qui les Syracusains amènent des étrangers

TAILLASSON Jean-Joseph

Blaye, 1745 - Paris, 1809

Timoléon à qui les Syracusains amènent des étrangers

Huile sur toile

157 x 195 cm.

Don du général Lavigne-Delville, 1952

Inv. : D 1952-1-1

Notice complète

En 1764, Taillasson quitte sa région natale pour Paris et entre dans l’atelier de Lavau, puis dans celui de Vien où il compte, avec David, Vincent et Regnault parmi les meilleurs élèves de l’artiste. Il échoue cependant à plusieurs reprises au concours du Prix de Rome et doit se résigner à partir à ses frais en Italie en 1774. Après quatre années passées dans la Ville éternelle, il revient à Paris. Agréé à l’Académie Royale en 1782 il est reçu comme peintre d’histoire deux ans plus tard sur présentation d’Ulysse et Néoptolème enlèvent à Philoctète les flèches d’Hercule (Bordeaux, musée des Beaux-Arts). Les sujets des oeuvres qu’il présente régulièrement au Salon sont le plus souvent inspirés de l’histoire antique Virgile lisant l’Enéide à Auguste et à Octavie, 1787 (Londres, National Gallery) Héro et Léandre, 1798 (Bordeaux, musée des Beaux-Arts)… Son œuvre reste résolument marqué par les leçons de Vien, mais aussi par la tradition classique de Poussin dont il était un fervent admirateur.

Taillasson est également l’auteur de plusieurs ouvrages d’esthétique, certains rédigés en vers : Le danger des règles dans les arts, 1785 ; Observations sur quelques grands peintres dans lesquelles on cherche à fixer les caractères distinctifs de leur talent avec un précis de leur vie, 1807.

Timoléon à qui les Syracusains amènent des étrangers

Lorsque ce tableau entre en 1952 dans les collections du musée de Tours, Boris Lossky, conservateur au musée, pense que le sujet représenté est emprunté à l’un des contes de Marmontel, Le Bélisaire. Quelques années plus tard, Jean-Marie Girard, assistant au musée, découvre au musée Ingres à Montauban une peinture de composition similaire, signée Taillasson, de format plus réduit et de toute évidence esquisse préparatoire au tableau de Tours, mais censée représenter Homère récitant ses chants. La consultation des livrets du Salon de 1796 permit d’identifier enfin avec exactitude le sujet, la description correspondant exactement à l’iconographie de des tableaux de Tours et Montauban : « Timoléon à qui les Siracusains amènent des étrangers. Le grand capitaine, retiré à Siracuse, perdit la vue… alors les Siracusains redoublèrent d’attention à son égard. Ils lui amenaient les étrangers qui venaient chez eux : voilà disaient-ils, notre bienfaiteur, notre père….Ce tableau a 7 pieds de large sur 5 pieds 10 pouces de hauteur ».

Boris Lossky souligne que « rien ne pouvait mieux convenir à la conjoncture politique de détente entre la dictature de Robespierre et celle de Bonaparte que cette glorification du fervent républicain grec du IVe siècle qui dut s’expatrier de Corinthe, son pays natal, après avoir tué son propre frère, en lequel germait un tyran, et vint en Sicile pour expulser de Syracuse, Denys le Jeune et instaurer dans l’île entière l’ordre démocratique ». Mais le sujet était également dans l’air du temps depuis que Chénier avait fait jouer en 1794 sa tragédie Timoléon avec des chœurs mis en musique par Étienne Nicolas Méhul. La pièce qui semblait attaquer Robespierre fut interdite par le Comité de sûreté générale et Chénier fut obligé de brûler son manuscrit. Cependant la pièce fut reprise après la chute de Robespierre.

Si la composition générale est déjà bien mise en place dans l’esquisse de Montauban, en particulier dans l’organisation des figures placées en frise et liées les unes aux autres par des gestes marqués, bras qui se tendent en direction de Timoléon, index levé vers le ciel du héros grec, Taillasson précisera en revanche le caractère sicilien du site et de l’architecture dans la version définitive. Les branches généreuses de l’arbre qui se déploient devant une échappée verdoyante sur l’esquisse, font place à un paysage plus aride dominé par la montagne de l’Etna sur la toile conservée à Tours. Enfin l’architecture d’ordre dorique pur remplacera les colonnes toscanes présentes sur l’esquisse.

L’élaboration de cette composition est également connue grâce à plusieurs dessins et études (Paris, Ecole Nationale Supérieure de Beaux-Arts; Montauban, musée Ingres; Madrid, musée du Prado, Quimper, musée des Beaux-Arts)

Les critiques furent assez sévères ; le caractère néo-classique de l’œuvre, privilégiant le dessin sur le coloris, semble avoir heurté l’opinion. Le salonnier du Journal Général de France écrit en 1796 : « … Ce Timoléon… quoique dessiné et drapé avec pureté ne me présente qu’un mérite glacial, tant pour le coloris que pour les faits ».

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008