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Huile sur toile
122 x 90 cm.
Legs d’Alexandre-Phidias Vestier, petit-fils de l’artiste, 1875
Inv. : 1875-2-1
Antoine Vestier quitte sa Bourgogne natale pour Paris et travaille chez le peintre émailleur Antoine Révérand, également d’origine bourguignonne, dont il épousera la fille Marie-Anne en 1764. Il entre ensuite dans l’atelier de Jean-Baptiste-Marie Pierre, puis après plusieurs séjours en Hollande et à Londres, revient en France et se fixe définitivement à Paris. Dès le début de sa carrière Vestier se consacre à l’art du portrait, il expose pour la première fois au Salon de la Correspondance en 1782, puis est agréé trois ans plus tard à l’Académie Royale avant d’être reçu « sur le genre du portrait » en 1786 sur présentation des portraits de Nicolas-Guy Brenet (Versailles, musée national du château et de Trianon) et de Gabriel-François Doyen (Paris, musée du Louvre). L’année suivante, sa brillante participation au Salon consacra sa réputation. Sa peinture évoluera d’un style précieux, parfois un peu solennel, vers une manière plus intimiste et plus réaliste. Les portraits de sa famille, l’un de ses sujets de prédilection, comptent parmi les plus belles réussites des dernières années du siècle, Portrait de Jean René Vestier, 1788 (Paris, collection particulière), Madame Nicolas Vestier, 1795 (id.)…. Les commandes vont se raréfier pendant les années révolutionnaires et Vestier reprendra alors son activité de peintre de miniatures réalisées le plus souvent sur ivoire, La cantatrice Rose Renaut, 1791 (Paris, musée des arts décoratifs).
Portrait de Jean Theurel, doyen des vétérans pensionnés du roi au régiment de Touraine
Dans le testament qu’il rédige le 5 janvier 1865, le petit-fils d’Antoine Vestier, Alexandre-Phidias, mentionne : « Je lègue…. Le portrait de soldat et les deux têtes d’étude par mon grand-père au musée de Tours ». Ces trois œuvres sont le Portrait de Jean Theurel, la Grande tête d’étude de femmes couronnée de roses et la Bacchante couronnée de pampres présentée au Salon de 1804. Alexandre-Phidias Vestier décède en octobre 1874, et les tableaux entrent dans les collections du musée de Tours un an plus tard. C’est également à cette date et par ce même legs que le Portrait de Madame Vestier, peint par l’artiste en 1787 entre au musée du Louvre.
Jean Theurel, né à Orain en Bourgogne en 1699, s’engage très jeune au Régiment de Touraine. Il entre en 1738 aux Dragons de Beauffrémont, puis six ans plus tard passe au régiment d’Anjou cavalerie. Au cours de la campagne de Flandres il participe aux batailles de Fontenoy, Raucoux et Laufeld sous les ordres du maréchal de Saxe, puis rejoint définitivement le régiment de Touraine en 1750. C’est avec ce dernier qu’il sert comme fusilier dans les différentes batailles de la guerre de sept ans. La légende voulait qu’en 1780 Jean Theurel soit parti en Amérique et qu’il participa à la bataille de Yorktown. Il est cependant probable qu’il y eut longtemps une confusion entre le vétéran et son fils Dominique, militaire également qui sera tué en 1782 au cours de l’un des combats en Amérique. Après soixante-douze années de service dans l’armée, Theurel devait recevoir son troisième médaillon de vétérance, décoration attribuée pour vingt-quatre années de service dans l’armée. Cet événement était unique dans l’histoire militaire et eut un grand retentissement. Le 10 novembre 1787, Theurel est présenté au roi, des fêtes furent organisées en son honneur, et plusieurs artistes réalisent le portrait de ce militaire à la carrière exceptionnellement longue et qui fut blessé dix-sept fois sur les champs de batailles. A partir de 1792, Jean Theurel se fixe à Tours pour prendre sa retraite mais reprit du service lors de la création de la Compagnie des vétérans d’Indre-et-Loire. « Le plus ancien soldat de l’Europe » sera nommé chevalier de la Légion d’Honneur par l’Empereur en 1804. Jean Theurel décède trois ans plus tard à Tours âgé de cent huit ans.
C’est en 1788, année suivant la réception du militaire vétéran par Louis XVI., qu’Antoine Vestier peint le portrait de Theurel. Considéré comme l’un des chefs d’œuvres de l’artiste, ce portrait travaillé dans une gamme chromatique réduite est remarquable de sincérité. Adoptant une pose simple, marquée par une calme assurance, le vieux soldat suscite le respect.Theurel porte l’uniforme du régiment de Touraine, blanc à col, revers et parements des manches roses. Les trois médaillons des vétérans, à deux épées entrecroisées sur fond rouge éclairent le côté gauche de l’habit. L’artiste module subtilement la lumière pour représenter cet uniforme qu’il gardera pendant près d’un an dans son atelier, et que lui réclamera Theurel dans une lettre qu’il lui adresse le 7 février 1789 : : « mon habit que j’avais laissé chez vous.. ;je vous prierai de vouloir bien … le remettre au presant porteur…car il m’est utile par rapport qu’il est d’ordonnance…en renvoyant mon habit je voudrais bien que vous mettiez quelque étape au tableau dedans… ». Ce portrait sera exposé au Salon quelques mois plus tard et la noblesse du visage de cet homme sera unanimement admirée par la critique. Vestier conservera cette œuvre, c’est vraisemblablement lui qui ajoutera en surcharge la Légion d’Honneur après 1804.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008