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Huile sur toile
68,5 x 54,5 cm.
Don de monsieur Cartier, 1873
Inv. : 1873-3-1
François-André Vincent est l’élève de son père, François-Elie Vincent, miniaturiste genevois établi à Paris, puis celui de Vien à l’Académie royale. Il obtient le grand Prix en 1768, avec Germanicus apaisant la sédition dans son camp (Paris, E.N.S.B.A.), entre à l’Ecole des élèves protégés et part à Rome où il séjourne de 1771 à 1775. En Italie il dessine notamment d’étonnantes caricatures de ses condisciples de la Villa Médicis, réalise aussi des portraits à l’huile, Portrait de Houël (Rouen, musée des beaux-arts), Portrait de Bergeret (Besançon, musée des beaux-arts)… De retour à Paris il est agréé deux ans plus tard à l’Académie Royale, puis expose régulièrement au Salon. Il présente en 1779 le Président Molé et les factieux (Paris, Palais Bourbon) qui obtient un immense succès et sera qualifié de « chef-d’œuvre accompli ». Vincent sera reçu comme peintre d’histoire à l’Académie en 1782 sur présentation d’Orithye enlevée par Borée. Ses envois au Salon, qui sont le plus souvent commentés de manière louangeuse par la critique, révèlent sa prédilection pour les sujets empruntés à l’histoire nationale et à l’antiquité romaine : Aria et Poetus, 1787 (Amiens, musée de Picardie), Zeuxis choisissant pour modèles les plus belles filles de Crotone, 1789 (Paris, musée du Louvre)… Nommé professeur à l’Académie en 1792, il sera après la période révolutionnaire, l’un des premiers membres nommés lors de la réorganisation de l’Institut.
Vincent sera l’un des acteurs importants de la transformation de la peinture d’histoire en France dans les dernières années du XVIIIe siècle. Son œuvre marquera durablement la production des artistes de la génération suivante. Les publications que Jean-Pierre Cuzin (conservateur, historien d'art) a consacrées à cet artiste ont permis de le réhabiliter alors qu’il avait été si longtemps oublié, éclipsé par David qui fut son rival.
Orithye enlevée par Borée
Entrée dans les collections du musée comme œuvre de Jean-Baptiste Regnault, cette esquisse conservera cette attribution jusqu’en 1972, date à laquelle Jean-Pierre Cuzin reconnut dans ce tableau l’une des premières pensées pour L’enlèvement d’Orithye, morceau de réception de François-André Vincent présenté à l’Académie Royale le 27 avril 1782. Le long et complexe processus d’élaboration pour ce grand tableau soumit à l’appréciation des membres de l’Académie est aujourd’hui précisé par l’étude de Jean-Pierre Cuzin. Vincent est agréé à l’Académie en 1777, les cinq années qui vont se succéder avant qu’il ne présente son morceau de réception seront particulièrement riches pour l’artiste dont les œuvres présentées au Salon obtiennent un immense succès auprès du public et de la critique. Vincent expose son morceau de réception au Salon de 1783, ainsi qu’une deuxième composition sur ce même sujet, de format plus réduit et présentant de légères variantes par rapport à l’œuvre définitive. Ce deuxième tableau signé et daté de 1781, n’était plus localisé depuis 1929 et n’était connu que par une photographie médiocre, il est passé sur le marché de l’art en France en 2004 puis en 2005 et est aujourd’hui conservé dans une collection particulière.
Ce tableau, antérieur au morceau de réception, est un élément essentiel à la compréhension de l’esquisse conservée à Tours. Jean-Pierre Cuzin a en effet souligné que l’œuvre de Tours, qui doit être considérée comme l’une des premières pensées pour le morceau de réception, est plus proche encore de ce tableau peint en 1781. Le 28 avril 1781 François-André Vincent apporte à l’Académie « l’esquisse du tableau qui lui a été ordonné pour sa réception, représentant l’enlèvement d’Orithie par Borée". J.-P. Cuzin indique que « l’esquisse de Tours constitue « le premier jet » du Borée et Orithye de 1781 ce qui la date de façon précise ». La mise en page resserrée des deux œuvres est en effet très proche et certains détails en particulier, la nymphe jetée au sol en bas à droite, ou encore le drapé qui couvre la poitrine d’Orithye, se retrouvent sur l’un et l’autre tableau et ne sont plus présents en revanche sur la grande composition de 1782.
L’esquisse de Tours est bouillonnante et d’une énergie exceptionnelle. Travaillée dans une pâte généreuse et souple, la composition de Vincent suit le rythme effréné du mouvement créé par l’enlèvement d’Orithye. Une sorte de brutalité se dégage de l’œuvre qui tient en partie à la représentation de Borée sous les traits d’un vieillard aux bras noueux, sorte de mascaron de fontaine aux joues gonflées d’un souffle qui agite violemment les draperies. La furia de cette ébauche est ici proche des productions de Fragonard avec lesquelles les œuvres de Vincent ont souvent été confondues.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008