UA-10909707-12
Accueil > Musée et collections > Peinture > 18e siècle
Huile sur toile
258 x 385 cm
Don des Amis de Saint François de Paule, 1962
Inv. : 1962-2-1
Ce grand tableau a été peint, en 1730, pour les pères Minimes de la Place Royale à Paris qui payèrent 600 livres à Jacques Dumont le Romain et 150 au sculpteur sur bois pour la bordure. Plusieurs œuvres furent commandées par cette congrégation, chacune d’entre elles illustrant un épisode de la vie de saint François de Paule, fondateur de l’ordre des Minimes. Dezallier d’Argenville en 1769 nous offre l’une des rares descriptions presque contemporaines des tableaux qui décorent la chapelle de ce couvent : « Dans la première des salles qui servent de sacristie, est un grand tableau qui a pour sujet S. François de Paule accompagné de deux religieux… il a été peint par Noël -Nicolas Coypel. Celui d’à côté est de M. du Mont le Romain, et nous fait voir le même saint présenté par le Dauphin à Louis XI son père, qui le reçoit à genoux et lui demande sa bénédiction, mais ce Saint lui répond que c’est à Dieu qu’il faut la demander ». Le tableau de Coypel représentait saint François de Paule marchant sur les eaux du golfe de Messine (Lyon, primatiale Saint-Jean, chapelle de la Vierge), un troisième tableau ornait cette salle, peint par Simon du Pape, il montrait le saint guérissant des pestiférés de Bormes ou de Fréjus. Piganiol de la Force quatre ans plus tôt souligne que les trois tableaux de la sacristie « ont chacun douze pieds de largeur sur huit de hauteurs …[ 3,888 x 2,592] les sujets sont pris de la vie de saint François de Paule ». L’auteur consacre également quelques lignes au tableau de Dumont le Romain qui : « nous fait voir saint François de Paule présenté par le Dauphin au Roi Louis XI, son père qui reçoit ce saint homme au milieu de sa Cour et qui, à genoux et à ses pieds, lui demande sa bénédiction, ... Ce tableau, au jugement des connaisseurs, est le plus beau des trois, quoique les deux autres ayant des beautés ».
Les biens de l’abbaye des Minimes furent confisqués à la Révolution, on peut cependant suivre les déplacements du tableau de Dumont le Romain pendant ces années révolutionnaires*. En 1961, Monseigneur Robert Fiot, président des Amis de saint François de Paule, retrouve la trace de cette toile à la congrégation de la Mère-de-Dieu à Surbiton en Grande-Bretagne. Grâce aux indications fournies par les religieuses l’historique de cette œuvre put être complété. Le tableau de Dumont le Romain fut acheté dans les premières années du XIXe siècle par Marie-Marguerite Ango de Lezeau, arrière petite nièce de saint François de Paule, et fondatrice de la congrégation de la Mère-de-Dieu, rue Picpus. Cette religieuse est la descendante d’Andrea d’Alesso, seigneur de Leseau, neveu de François de Paule qu’il accompagna en France en 1483. Il fut accroché derrière le maître autel de la chapelle de ce couvent où il est notamment signalé en 1874. En 1905, les religieuses l’envoyèrent dans la maison de la même communauté en Grande-Bretagne dans le Surrey. Celles-ci en firent don en 1962 aux Amis de saint François de Paule, qui l’offrent au musée de Tours pour le château de Plessis-les-Tours dont les collections dépendaient alors du musée. Une salle de ce château était consacrée à la mémoire du saint qui, comme le rappelle l’iconographie du tableau de Dumont le Romain, vint au mois de mai 1483, sur ce lieu même rencontrer le roi de France. L’épisode historique nous est rapporté par Philippe de Commines mais aussi par la bulle de canonisation. Saint François de Paule passa les vingt-quatre dernières années de sa vie à Plessis-les-Tours, où il meurt en 1507. En 1996, le château changeant de destination le tableau fut transféré au musée.
Peint deux ans après que Dumont le Romain ait été reçu comme peintre d’histoire à l’Académie royale, ce tableau se caractérise précisément par sa veine historique. Œuvre éloquente, dans laquelle le futur premier gouverneur de l’Ecole Royale des Elèves protégés, établit une mise en page permettant de concentrer les regards sur les deux protagonistes principaux. L’artiste trouvait là manifestement, à la fois un sujet et un format à la hauteur de ses ambitions. Ll’artiste avait probablement travaillé en suivant les indications des moines de la Place Royale. L’image du saint reprend l’iconographie traditionnelle dérivant de celle de Jean Bourdichon, connue notamment par les estampes de Villamena ou de Michel Lasne. Bourdichon qui suivait les différents déplacements de la Cour, séjourna plusieurs années à Plessis-les-Tours, où il fut l’un des proches de saint François de Paule. Dumont le Romain voulait que la figure du saint soit facilement identifiable, mais les autres personnages sont exécutés avec une liberté qui tend uniquement à rendre avec éclat cette rencontre. L’élégance maniérée de certains d’entre eux, en particulier celle du personnage vu de dos qui ferme la composition à droite, confère à cette œuvre une esthétique presque vénitienne. La palette claire où dominent les roses et les bleus, typique des productions de l’artiste dans ces premières années de sa carrière, est révélatrice également de l’influence italienne, en particulier de celle de Véronèse, sur l’art de Dumont le Romain. La composition en frise se détache sur un édifice aux colonnes annelées qui évoque les décors architecturaux peints par Rubens pour certains tableaux de la galerie Médicis.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008