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18e siècle

Portrait de la duchesse de Bourbon-Condé en deuil blanc

GOBERT Pierre

Fontainebleau, 1662 - Paris, 1744

Portrait de la duchesse de Bourbon-Condé en deuil blanc

Huile sur toile

102 x 82,5 cm.

Saisie révolutionnaire à l’abbaye de Beaumont-lès-Tours, 1794

Inv. : 1793-4-1

Notice complète

Né dans une famille d’artistes, Pierre Gobert commença à travailler très jeune pour la cour. Dès 1682, il reçoit la commande du Portrait du duc de Bourgogne âgé de quelques semaines (perdu), premier d’une longue liste de portraits d’enfants, genre dans lequel Gobert excellera le plus. Agréé à l’Académie royale en 1686, Pierre Gobert ne se préoccupa de sa réception, fait exceptionnel, que quinze ans plus tard. Il est vrai que déjà surchargé de commandes, sa carrière de portraitiste, notamment à Munich pour la cour de Bavière, ne lui laissait sans doute que peu de temps. En 1701 il présente pour sa réception « d’Académicien sur le talent des portraicts » deux tableaux, le Portrait de Louis II de Boullogne et le Portrait du peintre Cornelis van Cleve (Versailles, musée national du château et de Trianon). A partir de 1707, Gobert travaille pour la cour de Lorraine où il avait été appelé par le duc Léopold. Il peint durant ce séjour un nombre impressionnant de portraits qui implique l’existence d’un atelier. De retour à Paris il travaille très régulièrement pour la Cour réalisant les portraits de la plupart des membres de la famille royale, dont le château de Versailles conserve les exemples les plus intéressants.

Cet artiste prolifique a multiplié des portraits aux attitudes figées et assez répétitives, son talent fut souvent déprécié en comparaison avec les œuvres d’autres artistes, dont celles de François de Troy ou de Hyacinthe Rigaud. Il faut cependant reconnaître que les nombreuses répliques de qualité souvent médiocres, et les attributions erronées ont parfois brouillé les pistes et n’ont sans doute pas permis de bien cerner ce portraitiste. En 1930, Jean-Gabriel Goulinat écrivait : « Pierre Gobert portraitiste, réputé en son temps mais dont il est difficile de retrouver des œuvres sûrement authentiques ». Le nombre important de portraits qui passent régulièrement en vente comme étant de sa main mais dont l’attribution n’est pas certaine ne fait qu’ajouter à la confusion.

Portrait de la duchesse de Bourbon-Condé en deuil blanc

C’est à Boris Lossky que l’on doit l’identification, en 1962, de ce portrait représentant Louise-Françoise de Bourbon, dite Mademoiselle de Nantes, fille légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan. Les premiers inventaires du musée, puis les catalogues notent, de manière erronée, qu’il s’agit du portrait de Madame de Vermandois et les très nombreuses versions connues de ce portrait mentionnent le plus souvent le nom de la duchesse de Berry, l ‘une des filles du Régent. Boris Lossky dans un article publié en 1963 a longuement détaillé les raisons de cette confusion .

Louise-Françoise de Bourbon (1673-1743) épousa en 1685, son cousin Louis de Bourbon, petit-fils du grand Condé, devenant par ce mariage la duchesse de Bourbon-Condé, elle devint veuve en 1710. De cette union vont naître neuf enfants dont Louise-Gabrielle-Henriette-Marie-Françoise de Bourbon, dite Mademoiselle de Vermandois (1703-1772) abbesse de Beaumont-lès-Tours de 1733 à son décès. Mademoiselle de Vermandois sera l’avant dernière abbesse de ce couvent de bénédictines, et sans doute la plus illustre, Marie de Virieu lui succèdera jusqu’à la suppression de cet ordre en 1790, suite aux décrets des 2 novembre 1789, 13 mai et 16 juillet 1790 ordonnant la confiscation et la vente des biens ecclésiastiques. L’inventaire des biens de l’abbaye de Beaumont-lès-Tours est dressé le 8 novembre 1790. Cet inventaire mentionne onze portraits représentant des membres de la famille de Mademoiselle de Vermandois : « Un grand tableau à cadre de bois doré, à la représentation de Mme de Vermandois, Un pareil tableau à la représentation de Madame la duchesse de Bourbon douairière, Un autre à la représentation du grand Condé, Un autre représentant Louis quatorze, Un autre représentant Mademoiselle de Charolais, Un autre représentant Louis quinze, Deux autres à la représentation de Monsieur le prince de Bourbon et de Mademoiselle de Condé, Un autre représentant Madame la duchesse de Bourbon, lors de son veuvage, Un autre représentant Madame de Rochechouart, Un autre représentant Madame de Conty… ». Ces portraits se trouvaient à cette date dans le « Sallon à Manger » de l’abbaye. Les documents nous manquent mais on peut imaginer que lorsque Mademoiselle de Vermandois entra dans ce couvent elle apporta avec elle ces portraits qui représentent des membres très proches de sa famille, son grand-père, sa grand-mère, sa mère, ses sœurs … Il faut préciser qu’au moment de l’inventaire dressé en 1790 étaient présentes Marie-Agnès de Virieu ainsi que plusieurs prieures, qui ont vraisemblablement fourni l’identité des personnages portraiturés. La majeure partie des biens de l’abbaye fut vendue le 25 novembre 1792 et les jours suivants jusqu’au 26 décembre, malheureusement les tableaux mentionnés ne sont pas décrits par les sources d’archives. Trois portraits entrèrent dans les collections du musée en 1794 : Ce Portrait de la duchesse de Bourbon-Condé, mentionné de manière très imprécise sur l’inventaire révolutionnaire de l’an II : « …. Femme peinte en veuve, sur un fond de jardin et d’architecture », Le portrait de la duchesse avec l’une de ses filles et le Portrait de Mademoiselle de Charolais.

L’inventaire suivant rédigé en 180, indique que ce portrait représente Mademoiselle de Vermandois en robe d’abbesse, identification erronée qui sera maintenue sur les différents catalogues jusqu’à celui publié par Boris Lossky en 1962. L’inventaire effectué en 1790 à l’abbaye de Beaumont-lès-Tours était pourtant très précis, mentionnant clairement « Madame la duchesse de Bourbon, lors de son veuvage », ce costume de deuil est de manière évidente à l’origine de la confusion car à chaque fois que ce portrait sera publié comme étant celui de Mademoiselle de Vermandois, on précise qu’elle est représentée en « robe de novice ». Louise-Françoise de Bourbon-Condé est représentée sur ce tableau portant ce costume de deuil après le décès de son mari en 1710 et telle que nous l’a décrit Saint-Simon le jour des obsèques de son époux « en robe de veuve bordée et doublée d’hermine pareil à celui des duchesses veuves et comme elles ayant le couvre-chef. C’est une coiffure singulière, basse de simple toile de Hollande, qui enveloppe la tête sans rien autre par-dessus, qui tombe amplement sur les épaules qu’elle enveloppe aussi et qui est fort longue, mais plus courte de beaucoup que la queue herminée de la robe… les duchesses sont les dernières qui ont droit de l’une et de l’autre ».

Si Boris Lossky pense, avec juste raison, reconnaître dans ce tableau, qu’il classe cependant en anonyme, le style de Pierre Gobert, il est délicat parmi les nombreuses répliques qui existent de préciser la localisation exacte du tableau original. Certes les versions connues aujourd’hui sont de qualité diverses ; celle conservée au musée Condé à Chantilly est ainsi d’une touche infiniment plus délicate que celle de Tours, il faut d’ailleurs souligner que le tableau de Chantilly est le seul qui présente une très légère variante, montrant la princesse ne tenant pas de mouchoir entre ses mains croisées. Mais il faudrait pour avoir une idée tout à fait juste pouvoir confronter directement toutes ces versions qui sont toutes de dimensions quasi identiques, et ne sont pas signées. Au salon de 1737 figure un tableau de Gobert, dans lequel on peut reconnaître une version de ce portrait : Portrait en petit de S.A.S. Mme la Duchesse mère en habit de veuve par M. Gobert, Conseiller de l’Académie, s’agit-il d’une esquisse pour l’original ?.

La qualité de ce portrait et des deux suivants ne permet pas de les attribuer à Pierre Gobert, il s’agit plus vraisemblablement de répliques d’atelier. Cependant la provenance prestigieuse de ces tableaux offre un intérêt de premier ordre pour le musée de Tours.

Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert

Silvana Editoriale, 2008