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Huile sur toile
212 x 130 cù.
Saisie révolutionnaire, couvent des Dames de la Charité du Refuges, La Riche
Inventaire : 1793-8-1
Entrée dans les mêmes circonstances dans les collections du musée de Tours que L'Assomption de la Vierge, cette œuvre de Charles Lamy était anciennement cataloguée sous le titre : Le Père Eternel apparaissant à des religieuses, jusqu’à ce que Boris Lossky en reconnaisse plus précisément l’iconographie en 1959. Une restauration effectuée cette même année permis en effet de supprimer la couche de couleur qui masquait dans les nuées le motif du Sacré-Cœur, comme cela avait été fait également sur le tableau de Jean Courrège et vraisemblablement pour les mêmes raisons d’ordre politiques ou religieuses. Lossky note que les six religieuses arborent l’insigne caractéristique de l’ordre de la Charité du Refuge : un médaillon pectoral formant un cœur d’argent orné d’une figure de la Vierge à l’Enfant. Il ajoute : « on remarque au centre du nuage que cerne une couronne de têtes de séraphins sommée de la colombe du Saint-Esprit, les traces de deux cœurs, dont l’un percé d’un poignard. Il ne s’agit donc pas d’une apparition du Père Eternel… mais de l’apothéose des Cœurs Sacrés de Jésus et de Marie ». Les six religieuses sont représentées sur cette œuvre en fervente adoration devant ce motif qui apparaît dans une auréole lumineuse entourée de têtes de chérubins. Cette scène est dominée par le Père Eternel les bras largement ouverts en signe de bénédiction. Dans un second article Boris Lossky explique la raison pour laquelle les sœurs sont au nombre de six sur ce tableau de Lamy, alors qu’en 1735, date de la réalisation de cette œuvre, la communauté de La Riche en comptait vingt-neuf : ceci « n’est probablement pas sans rapport avec le souvenir de la fondation de la maison de Tours par six religieuses détachées du monastère de Guingamp… l’on peut se demander si notre peinture n’a pas été commandée en commémoration du vingt-cinquième anniversaire du Couvent qui était à fêter en 1736 ». Cette explication n’a cependant pas reçu l’assentiment de l’abbé Charles de La Chesnay, archiviste des Eudistes à Paris, qui en 1959, adresse un courrier à Lossky dans lequel il écrit : « le peintre n’a voulu qu’évoquer deux dévotions qui étaient chères à des religieuses fondées par le père Eudes, celui ayant composé un office du Cœur de Marie, célébré pour la première fois le 8 février 1648, et un office du Cœur de Jésus, célébré pour la première fois le 20 octobre 1672…le nombre des religieuses devrait seulement être mis en relation avec les dimensions de la toile et les exigences d’une composition bien équilibrée. »
Les religieuses tenteront en 1818 de se faire restituer ce tableau, aidées par le vicaire général de Tours, elles adressent plusieurs courriers au préfet d’Indre-et-Loire, M. de Waters réclamant cette œuvre. Jean-Jacques Raverot, conservateur du musée, souhaitant garder cette œuvre expose ses arguments dans une lettre qu’il adresse au maire. Profitant de la nomination en 1823 d’un nouveau préfet, le vicomte de Nonneville, les religieuses feront une nouvelle tentative pour que ce tableau de Lamy leur soit rendu et ajouteront deux nouvelles œuvres à cette demande, L’Assomption de la Vierge de Charles Lamy (notice précédente) et Le Bon Pasteur de Philippe de Champaigne, mais elles n’obtiendront toujours pas gain de cause.
Charles Lamy reprendra cette composition de manière similaire pour le couvent du même ordre à la Rochelle, ce tableau est conservé, depuis la fermeture de cette institution en 1988, au monastère de Caen. On note cependant que cette deuxième version, est de format plus réduit obligeant à une mise en page plus serrée, et que les religieuses sont au nombre de quatre seulement.
L’œuvre fut réalisée en 1735 par Charles Lamy, année importante pour la carrière de l’artiste qui est reçu comme peintre d’histoire à l’Académie royale le 29 octobre 1735 sur présentation de Jupiter foudroyant les Titans, (Paris, musée du Louvre). Agé de cinquante ans, le peintre recevait enfin la reconnaissance de la prestigieuse institution. L’influence de Jean Restout domine une fois encore la composition de ce tableau de Charles Lamy conservé à Tours. L’on retrouve notamment une mise en page et une intensité mystique très proches entre ce tableau et celui de Restout, La Mort de sainte Scholastique, 1730, conservée à Tours également. Par ce tableau, comme avec l’Assomption de la Vierge, Charles Lamy s’inscrit de manière affirmée dans la grande tradition des peintres de tableaux religieux à la suite d’artistes comme Jouvenet.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008