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Huile sur toile
127 x 97,5 cm.
Dépôt du musée national du château de Versailles et de Trianon, 1951.
Inv. : D 1952-8-1
Jean Restout entre dans l’atelier de son oncle et parrain Jean Jouvenet en 1707. C’est auprès de lui qu’il effectuera son apprentissage, avant de devenir l’un de ses principaux collaborateurs jusqu’à la mort de celui-ci en 1717. Cette même année Restout est agréé à l’Académie Royale probablement sur présentation d’un seul tableau Vénus demande à Vulcain des armes pour Enée (collection particulière). Reçu comme peintre d’histoire en 1720 sur présentation d’Alphée et Aréthuse conservé au musée de Tours, il va connaître alors une carrière brillante ponctuée par des commandes prestigieuses et par la production d’œuvres qui vont véritablement marquer la première moitié du XVIIIe siècle. En 1757, Grimm le considérait comme « l’un des trois premiers peintres de l’école française ». Restout peint des portraits, Portrait de son jeune fils, Jean-Bernard devant sa bouillie, 1736 (Stockholm, Nationalmuseum), des tableaux mythologiques, mais tout au long de sa carrière il réalise principalement des tableaux religieux aux grandes dimensions appropriées à l’ampleur de l’architecture à laquelle ils sont destinés. Il perpétue dans ces sujets religieux la « grande manière » redevable de l’art de Jouvenet mais manifeste un brio, une manière de peindre plus libre et plus enlevée que celle son maître. Restout fut, comme le souligne Christine Gouzi « un véritable créateur qui transforma de l’intérieur le style de Jouvenet, qui s’appropria des éléments de celui de La Fosse ou de Louis de Boulogne pour élaborer une peinture en adéquation avec son temps ». Il se fera connaître dans ce genre dès 1719 en réalisant pour l’église de Saint-Germain-des-Prés, Ananie imposant les mains à saint Paul (Paris, musée du Louvre). Parallèlement aux grandes commandes religieuses qui vont jalonner sa carrière, Jean Restout participe, avec d’autres peintres de sa génération, au décor de l’Hôtel du grand maître à Versailles en 1724, Diane et Endymion (Versailles, Hôtel de Ville), puis quelques années plus tard à l’Hôtel de Rohan. Il peint également pour Frédéric II de Prusse au château de Sans-Souci.
Jean Restout obtiendra les honneurs de l’Académie Royale, nommé successivement professeur (en 1734), recteur (en 1752), directeur (en 1760) puis chancelier (en 1761).
Alphée et Aréthuse
Le 29 mai 1717 Jean Restout est agréé à l’Académie Royale sur présentation probablement d’un seul tableau Vénus demande à Vulcain des armes pour Enée (collection particulière). Les artistes étaient traditionnellement agréés sur présentation de plusieurs tableaux, le fait est donc suffisamment exceptionnel pour qu’il ait été souligné par les historiens qui se sont intéressés à cet artiste. Les Procès-Verbaux rapportant cette journée rappellent que Jean Restout « neveu de deffunct Monsieur Jouvenet, a fait apporter un tableau pour supplier l’Académie de le vouloir agréé ». Ce lien familial et le fait également que Restout ait été sans doute l’élève le plus proche du maître expliquent cette faveur. Restout reçoit alors son sujet de morceau de réception d’Antoine Coypel, directeur de l’Académie. Occupé à terminer une commande prestigieuse, l’artiste prit du retard dans l’exécution de ce tableau. Il était en effet associé aux artistes les plus brillants du moment, pour l’exécution du May pour l’église de Saint-Germain-des-Près, représentant Ananie imposant les mains à saint Paul (Paris, musée du Louvre) mis en place en avril 1719. Le 30 septembre de cette même année, Restout apporte l’esquisse de son tableau de réception représentant Pan et Syrinx (disparu) qu’il lui est demandé de présenter six mois plus tard. Le 28 juin 1720 il apporte le tableau définitif illustrant un autre sujet mythologique : Alphée poursuivant Aréthuse, sans que l’on puisse précisément connaître les raisons de ce changement.
Ce sujet emprunté aux Métamorphoses d’Ovide (V, 571-641) évoque le moment où la jeune chasseresse Aréthuse, poursuivie par le dieu du fleuve Alphée, se réfugie dans les bras de Diane qui la transformera en fontaine. Ce thème a connu un beau succès au siècle précédent, succès qui ne se démentira pas tout au long du XVIIIe siècle. De nombreuses maladresses se révèlent être gênantes à la lecture de l’œuvre de Restout, les proportions des corps sont ainsi mal maîtrisées, les jambes trop courtes de Diane, l’un des pieds difforme d’Aréthuse dont la silhouette semble être plus celle d’un jeune éphèbe que celle d’une nymphe. La main d’Alphée, que Restout reprit pourtant plusieurs fois sur les conseils de Largillierre, reste imparfaite. Tous ces défauts témoignent de la faiblesse de ce tableau qui n’a jamais connu le succès que l’on pouvait espérer d’un morceau de réception. Pierre Rosenberg et Antoine Schnapper soulignent également que « comme il arrive souvent chez Restout la préparation trop grasse, trop huileuse de la toile a abouti à coaguler les couleurs entre elles, donnant à celles-ci par endroits cet aspect « peau de lait » si désagréable ». Ce défaut de matière est notamment très visible au-dessus de la tête et derrière le dos d’Aréthuse. La belle lumière dorée qui baigne l’ensemble ne parvient pas à masquer ces imperfections.
Ce tableau eut cependant au sein de l’Académie une certaine importance puisque en 1790 Simon Miger demande l’autorisation de le graver « pour son compte ». Faveur qui lui est accordée comme cela avait déjà été fait l’année précédente pour le morceau de réception de Dumont le Romain. Cependant Miger ne réalisera pas cette estampe car quelques mois plus tard « M. Miger remet le tableau de M. Restout père qu’il avait demandé…pour le graver, lequel tableau est celui de réception de M. Restout père, parce qu’il ne peut s’en occuper actuellement ».
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008