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Huile sur toile
75 x 60 cm.
Acquis avec la collection Cathelineau, 1858
Inv. : 1858-1-33
C’est probablement auprès du sculpteur Michel-Ange Slodtz qu’Hubert Robert s’initie à l’art du dessin. En 1754, il part pour Rome sous la protection du comte de Stainville, ambassadeur de France et futur duc de Choiseul. Hubert Robert séjournera onze ans en Italie, ami de Fragonard et de l’abbé de Saint-Non, il sillonne le pays parfois en leur compagnie et crayonne sans relâche les paysages, les monuments antiques et les scènes de la vie quotidienne. Il rentre en France en 1765 précédé d’une solide réputation de paysagiste et de décorateur. Reçu à l’Académie royale l’année même de son retour avec la réplique d’un tableau qu’il avait peint à Rome Vue du port de Ripetta (Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts), il réalise alors de multiples compositions souvent d’après les croquis rapportés d’Italie. A cette production nourrie de souvenirs italiens s’ajoutent des représentations de Paris et de ses environs mais également d’édifices gallo-romains. Hubert Robert est probablement le premier artiste à s’être intéressé de si près aux vestiges antiques de la France : Le pont du Gard, La Maison carrée de Nîmes, L’Amphithéâtre de la Ville d’Orange … . A partir des années 1770, suivant la mode pour les jardins anglais l’artiste réalise de nombreux paysages aux alentours de Paris, à Ermenonville, à Marly…. Huit ans plus tard il est nommé « dessinateur des jardins du Roi ». Le rôle d’Hubert Robert dans la création du musée du Louvre est très important. Nommé Garde des tableaux du Roi en 1784, il occupera également auprès de Fragonard des fonctions officielles dans la Commission du Muséum des arts de 1795 à 1802. Parallèlement l’artiste continue à peindre et à dessiner. Son œuvre abondant et riche est toujours dénué de monotonie, « Robert des ruines » étant avant tout le peintre de la vie.
Cascade sous un pont en ruines
Ce thème de l’arche d’un pont s’ouvrant largement vers l’horizon est récurent dans l’œuvre d’Hubert Robert. Il permet à l’artiste d’exploiter à merveille les jeux d’ombres et de lumière sur les pierres et sur le paysage, modulant cet éclairage afin de mettre en place la succession des plans. L’artiste réalise ici une composition en mouvement, les eaux bouillonnantes de la cascade éclaboussent avec violence les rochers et animent de leur turbulence ce paysage au ciel menaçant. Ce tumulte est adouci par les rayons du soleil, venant de la droite du tableau, qui baignent l’ensemble d’une chaude lumière dorée.
Dans ce paysage minéral et presque sauvage où les pierres taillées redeviennent roc à l’état brut et où la nature semble ainsi peu à peu reprendre ses droits, seuls deux petits personnages apportent une touche de couleur.
Cette œuvre présente des analogies avec une sanguine conservée au musée de Valence, Passage sous une arche antique, datée en 1763. Hubert Robert aurait utilisé pour l’œuvre de Tours la contre épreuve (perdue) de ce dessin de Valence. En effet, si l’arche, avec ses grosses pierres appareillées et disjointes par endroits, présente les mêmes accidents que celle de la sanguine de Valence, on note également que ces deux arches sont inversées l’une par rapport à l’autre. Le pont représenté sur le tableau de Tours est certes plus haut que celui du dessin de Valence, mais la structure même de l’édifice est vraiment très proche sur ces deux œuvres. En 1763, date de la réalisation de la sanguine, Hubert Robert s’était rendu à Cori en compagnie de Piranèse alors que celui-ci préparait les Antichità di Cora, publiées à Rome un an plus tard. Cette arche à demi-ruinée avait peut-être été vue par Hubert Robert à Cori à cette occasion, mais l’ouvrage de Piranèse n’en apporte pas la preuve. L’influence de Piranèse sur l’art d’Hubert Robert est certaine, et il est tout à fait possible que ce dernier se soit inspiré, même près de quarante ans plus tard, d’une composition réalisée au cours de ces promenades.
L’œuvre de Tours est en effet signée et datée de 1797 ; quelques années plus tôt, Hubert Robert réalise une composition de très grand format Vue des anciens aqueducs du palais de Néron (Versailles, musée national du château et de Trianon) qu’il présente au Salon des artistes français. La comparaison des deux œuvres est intéressante, car les sujets sont très proches, et la manière d’inscrire avec force l’architecture dans la composition est semblable, mais le tableau de Versailles est plus animé, plus pittoresque en quelque sorte que celui de Tours.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008