UA-10909707-12
Accueil > Musée et collections > Peinture > 18e siècle
Huile sur toile
36,5 x 44,5 cm.
Legs Jules Signol, effectuée en 1904 par Laure Signol son épouse
Inv. : 1904-1-7
Fils de Guillaume-Thomas Taraval, peintre au service du roi de Suède, Hughes Taraval étudie le dessin et la peinture auprès de son père à Stockholm. Il complète cette première formation à Paris, dans l’atelier de Jean-Baptiste Pierre à l’Académie. Ces premières années vont contribuer à sensibiliser Taraval à la grande décoration. En 1756 il gagne le grand prix de l’Académie avec Job exposé aux reproches de sa femme (Marseille, musée des Beaux-Arts). Il étudie ensuite trois années à l’Ecole Royale des élèves protégés, avant de partir pour Rome. De retour en France il est agréé à l’Académie en 1765, puis reçu comme peintre d’histoire en 1769 avec la grande toile Le Triomphe de Bacchus ou L’Automne, destinée à prendre place dans l’un des caissons du plafond de la galerie d’Apollon. Taraval sera le premier artiste sollicité par l’Académie pour compléter ce décor commencé par Le Brun près d’un siècle plus tôt. Cette commande prestigieuse sera déterminante pour le développement de sa carrière. Taraval, reconnu comme l’un des maîtres de la grande peinture décorative, sera alors sollicité ou associé à des ensembles décoratifs importants. Il participe à la décoration de la chapelle de l’Ecole royale militaire en 1773, puis les comptes des Bâtiments du roi lui commandent en 1776, pour la tenture des Amours des dieux, Le Triomphe d’Amphitrite, Taraval travaillera aussi pour les châteaux de Marly, Bellevue, Fontainebleau. Sa réputation lui vaut de recevoir de nombreuses commandes privées. Certaines de ces œuvres sont perdues mais les livrets de Salon mentionnent ces réalisations. Il participe en effet régulièrement au Salon de 1765, année de son agrément, jusqu’à sa mort en 1785. A la suite de son père, il réalise des œuvres pour la cour de Suède et est élu membre de l’Académie royale de Stockholm en 1775. Hughes Taraval sera également nommé sur-inspecteur des Gobelins en 1783.
Femme couchée
Ce tableau est entré dans les collections du musée de Tours en 1904 avec le legs de Jules Signol. Son épouse et usufruitière donne à cette date au musée sept cent treize objets, peintures, dessins, estampes, camées, intailles... Les peintures se composent essentiellement de portraits de famille et de plusieurs œuvres réalisées par Emile et Louis-Eugène Signol, oncles de Jules. Le tableau de Taraval, unique œuvre réalisée au XVIIIe siècle de cet ensemble, est mentionné sur l’inventaire du legs sous le descriptif suivant : « Tavalle [sic] élève de Fragonard. Femme couchée demi-nue (peinture) a été gravée ».
La date d’entrée de ce tableau d’Hughes Taraval dans les collections de la famille Signol n’a malheureusement pas été retrouvée. On sait en revanche que cette peinture a été gardée par Taraval jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’elle apparaît à la vente après décès de l’atelier de l’artiste en 1786 sous le titre : Femme nue et couchée paraissant regretter l’absence de son amant. L’œuvre est mentionnée dans cette vente et sous le même numéro avec son pendant Femme nue couchée embrassant son oreiller, toile perdue mais connue par la gravure de Laurent Guyot ainsi que par un dessin préparatoire.
Le sujet de ce petit tableau conservé à Tours pourrait également représenter la femme de Putiphar, amoureuse du jeune Joseph qui rejette les avances de cette femme par fidélité à son maître. Cependant ce thème biblique, qui connut il est vrai un regain d’intérêt marqué pendant la vague néo-classique, associe généralement dans la composition la femme de Putiphar et Joseph, ce qui n’est pas le cas ici.
Ce tableau, représentant une jeune femme dont le corps est enroulé dans le fouillis des draps d’un lit défait, est une œuvre forte, bien loin des scènes semblables peintes par des artistes de cette période dans des couleurs douceâtres. Taraval qui est pourtant, comme l’a souligné joliment Edmont de Goncourt, « de la monnaie de Boucher » révèle par ce type de tableaux qu’il appartient également à cette génération d’artiste du dernier quart du XVIIIe siècle, marquée par des recherches plus naturalistes. La représentation de la literie fait ainsi de ce tableau un véritable morceau de choix, le coutil du matelas moelleux, les draps de coton froissés, la housse d’oreiller dont les liens laissent apparaître le tissu de toile rayée du coussin, le dessus de lit écru bordé de rose sont d’une virtuosité étonnante. L’artiste qui fut surtout reconnu et admiré pour ses talents de décorateur, révèle par ce type de tableaux de petits formats un aspect différent de son œuvre.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008