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Huile sur toile
53,5 x 65 cm.
Legs Albert Pomme de Mirimonde au musée du Louvre (inv. R.F. 1985-68) , affecté au musée de Tours par décision testamentaire en 1986
Inv. : D. 1986-1-1
Fils d’Abraham Louis Van Loo, qui meurt alors que le jeune Carle n’a que sept ans, il est élevé par son frère Jean-Baptiste qui est de vingt-et-un ans son aîné. Carle suit les déplacements familiaux et séjourne à Rome une première fois de 1716 à 1719. Il commence son apprentissage artistique auprès de son frère puis est placé chez Benedetto Lutti. Son biographe et ami Dandré-Bardon nous apprend qu’il s’initia également à la sculpture dans l’atelier de Pierre Le Gros. De retour à Paris, il travaille aux côtés de Jean-Baptiste Van Loo, puis remporte le Grand Prix en 1724 avec L’Aveuglement des Sodomites (collection particulière). Il effectue un second voyage en Italie à partir de 1727 avec ses neveux Louis-Michel et François. Durant ce long séjour, qui durera sept ans, il est reçu à l’Académie de Saint-Luc, peint à Rome différents décors plafonnants et plusieurs tableaux en particulier Énée portant Anchise, 1729 (Paris, musée du Louvre), à Turin il travaille pour le roi Charles-Emmanuel III de Sardaigne, réalise une série de toiles pour le Palazzo Reale et un décor au château de Stupinigi.
Il rentre à Paris en 1734 et est reçu à l’Académie royale comme peintre d’histoire l’année suivante sur présentation d’Apollon faisant écorcher Marsyas (Paris, E.N.S.B.A.), il occupera graduellement toutes les fonctions rattachées à l’Académie, jusqu’à celle de directeur en 1763 et sera nommé premier peintre du roi en 1762. Carle Van Loo sera choisi en 1749 comme directeur de la toute nouvelle École Royale des Élèves protégés, son influence sera déterminante sur toute une génération d’artistes. Il connaît les honneurs d’une brillante carrière officielle, Grimm qui en fut le témoin écrit cette phrase aujourd’hui célèbre : « on peut regarder [Carle Van Loo ] comme le premier peintre de l’Europe, surtout par la beauté de son coloris ». Cette réputation lui vaut de recevoir de multiples commandes, en premier lieu de la Cour, il peint à Versailles dès 1736 pour les Petits Appartements du Roi, les scènes de chasse exotiques (Amiens, musée de Picardie), et travaille conjointement pour une clientèle privée fortunée et pour des institutions religieuses. Van Loo aborde tous les genres, ses tableaux mythologiques ou religieux contribuent à sa popularité, le cycle de sept tableaux qu’il réalise pour l’église Notre-Dame des Victoires lui vaut un grand succès mais marque également un jalon important dans l’histoire de la peinture religieuse du milieu du siècle. Van Loo peint également des portraits, des scènes de genre, des allégories avec une palette toujours très inventive et une élégante maîtrise du dessin confirmée par l’œuvre graphique de l’artiste.
Le sacrifice de Manué
Après avoir été attribué à Simon Julien puis à Hyacinthe Collin de Vermont, l’identification de ce tableau a été établie par Sylvain Laveissière et Marie-Catherine Sahut en 1987. Ils mirent en relation cette esquisse avec un Sacrifice de Noé conservé à l’École des Beaux-Arts de Paris sous une attribution à Daniel Sarrabat, reconnaissant dans l’iconographie de cette composition un Sacrifice de Manué, sujet du Prix de Rome de 1721 et proposant de rendre à Carle Van Loo ce modello conservé à Tours. Certains caractères stylistiques de l’esquisse en particulier les traits des jeunes acolytes du sacrificateur sont propres à Carle Van Loo comme ceux de la toile définitive où le visage du plus jeune officiant dénote l’influence de Benedetto Lutti, gloire romaine auprès de qui le jeune artiste étudia le dessin. Réalisée par Van Loo alors qu’il est encore très jeune, âgé d’une quinzaine d’années seulement, cette esquisse témoigne pourtant d’une maturité étonnante qui confirme la réputation du talent particulièrement précoce de l’artiste. Michel Dandré-Bardon ami et biographe de l’artiste nous rappelle que « dans sa quinzième année… il avait déjà ce maniement de crayon, moelleux, doux, facile…» tout à fait reconnaissable sur cette oeuvre.
La participation éventuelle de Carle Van Loo au concours du Prix de Rome de 1721 ne nous est malheureusement pas confirmée ni par les documents d’archives de l’Académie, ni par Dandré-Bardon, qui par ailleurs ne mentionne pas ce tableau dans le catalogue des œuvres de l’artiste. Cependant cette liste établie par Dandré-Bardon, n’est pas, au dire de l’auteur exhaustive. Si l’on admet que le jeune Van Loo participa à ce concours, qui sera cette année là remporté par Charles Natoire, l’existence du tableau définitif prouve que son esquisse fut acceptée par le jury. Le sujet emprunté à l’Ancien Testament (Livre des Juges, XIII, 1-25) retrace un épisode lié à la naissance de Samson et représente plus précisément le moment où Manué, père du héros, offre un sacrifice après qu’un ange lui ait prédit la venue au monde prochaine de Samson.
Si comme l’ont souligné S. Laveissière et M.-C. Sahut, l’influence de Benedetto Lutti est perceptible sur cette esquisse, on note également celle de Jean-Baptiste Van Loo, auprès de qui Carle travaillera à Paris et à Rome. Les œuvres de jeunesse de l’artiste portent la trace de cette double influence, en particulier celles qu’il réalise entre 1721 et 1728 date de son second départ pour l’Italie. Des historiens d'art ont souligné à juste titre les analogies existants entre plusieurs tableaux de ces premières années, si l’esquisse de Tours est en effet proche de L’Aveuglement des Sodomites, 1724 (collection particulière) ou de la Bethsabée au bain (Meaux, musée Bossuet) on peut noter plus de similitudes encore avec l’esquisse du Bon Samaritain réalisée en 1723 (Montpellier, musée Fabre). On relève sur ces deux tableaux le même dynamisme créé par les attitudes dansantes des figures, les mêmes personnages au physique menu et le même type de mise en page. L’arrière plan situé en contrebas est comme une signature de la manière de Carle Van Loo. L’esquisse présente enfin au second plan, derrière le sacrificateur, une figure féminine que le peintre reprendra très souvent.
L’esquisse du sacrifice de Manué présente un intérêt de premier ordre puisqu’elle est probablement la première œuvre connue dans la carrière de l’artiste.
Texte extrait du catalogue raisonné Peintures françaises du XVIIIe s. Musée des Beaux-Arts de Tours / Château d'Azay-le-Ferron, par Sophie Join-Lambert
Silvana Editoriale, 2008