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Huile sur toile
H. 141,5 cm ; L. 92 cm.
Legs Adèle Denouille, 1919
Inv. 1947-40-19
Initié très jeune par un oncle maternel qui l’emmène dessiner dans les montagnes proches du Pays basque où il est né, Léon Bonnat manifeste par la suite un intérêt grandissant pour la peinture. Il fréquente assidûment le musée du Prado à Madrid, où sa famille s’installe en 1846, y copie Vélasquez (1599 – 1660) et Ribera (1591 – 1652), et entre en 1847 dans l’atelier de Federico de Madrazo (1815 – 1894).
De retour à Bayonne avec sa famille, l’artiste bénéficie, grâce à la présentation d’un premier Autoportrait au dessin (Bayonne, musée Bonnat), d’une bourse d’étude de sa ville natale en 1854. Il entre pour trois ans à l’Ecole des Beaux-Arts à Paris, où il est l’élève de Paul Delaroche et de Léon Coignet. Encouragé dans l’art du portrait par celui-ci, il débute au Salon en1857 en y exposant trois portraits. N’ayant obtenu que le deuxième second grand prix de peinture historique la même année, c’est grâce à une subvention de la ville de Bayonne qu’il peut faire le voyage en Italie où il reste jusqu’en 1861. Il y rencontre Gustave Moreau, Elie Delaunay, Edgar Degas. Sa première distinction est obtenue au Salon de 1861 avec Adam et Eve retrouvant le corps d’Abel (Lille, Palais des Beaux-Arts) médaille de deuxième classe renouvelée en 1863 avec le Martyre de saint André (musée de Bayonne). D’une puissante austérité, sa production est alors fortement redevable de l’enseignement académique et de sa familiarité avec l’art espagnol. A partir de 1866, elle prend un accent plus personnel, le peintre abordant des sujets plus souriants, inspirés de son séjour en Italie.
S’il est tenté par l’orientalisme, qu’il découvre à l’occasion d’un voyage effectué en 1869 at Moyen-Orient au cours duquel, en compagnie de Léon Gérôme notamment, il visite l’Egypte, le Sinaï, la Palestine, la Turquie et la Grèce, c’est essentiellement à l’art du portrait qu’il doit sa réussite.
Sa manière lisse et, minutieuse et son sens de la grandeur, réunis dans ses compositions d’une belle sobriété, lui attirent une clientèle internationale, issue des milieux les plus variés, de la grande aristocratie au monde de la finance, de la politique, du spectacle, des arts, de la littérature, des sciences… Cette renommée considérable lui vaut les plus grands honneurs dont un artiste vivant pouvait alors rêver. Chevalier de la Légion d’honneur en 1867 puis Grand officier du même ordre en 1900, il est membre de l’Institut en 1881, directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1905 et président du conseil des musées.
L’examen de son œuvre graphique révèle un artiste complet qui vaut mieux que le portraitiste officiel dans lequel la critique moderne a enfermé son personnage. L’étude de ses vues exécutées lors de son séjour en Italie, notamment, témoigne de sa sensibilité au paysage et de son impressionnante maîtrise du dessin.
Il exerce une profonde influence sur la génération d’artistes qu’il forme dans ses divers ateliers, à Paris et à Saint-Jean-de-Luz, qu’il conserve jusqu’en 1904, ainsi qu’à l’Ecole de Beaux-Arts. Toulouse-Lautrec, Matisse, de grands noms de la peinture mais aussi de moins connus, comme Sauvage ou Boiry y ont appris sa science de la ligne et du modelé, ses mises en pages efficaces, son sens de la monumentalité.
En 1922, confirmant un souhait exprimé au maire de Bayonne dès 1891, Bonnat lègue à sa ville natale ses collections, d’une richesse et d’une importance numérique exceptionnelle, recouvrant toutes les périodes de l’histoire de l’art. Le musée ainsi constitué, le ^premier à Bayonne, qui en était jusqu’alors dépourvu, permet à l’artiste d’acquitter une dette de reconnaissance envers sa ville. Selon le vœu du peintre, il est destiné à assurer l’éveil esthétique des futurs artistes.
Portrait de Mlle Denouile, 1884
Entré dans les collections en 1919, le tableau de Bonnat fait partie du legs consenti en faveur de la ville par Adèle Denouille de Larçay, en souvenir de son grand-père, le docteur Miquel, bienfaiteur de la ville et amateur d’art. Elle avait hérité une importante collection constituée de peinture, dessins, mobilier et objets d’art, dont une partie est dispersée en vente publique à Tours fin novembre 1923. Les œuvres destinées au musée sont examinées par Gaston Brière et Paul Vitry, conservateurs au Louvre, qui conseillent de refuser les médiocres copie de Murillo, Ruysdael mais d’accepter les quatre dessins de Paul flandrin, ainsi que les feuilles attribuées à Ingres, parmi lesquelles une belle étude autographe pour la Stratonice conservé au Musée Condé à Chantilly.
La donatrice est âgée d’une vingtaine d’année quand Bonnat exécute son portrait. Vêtue d’une élégante robe du soir dont la tonalité claire sied à son âge, elle se détache sur un fond de couleur pourpre et brun. L’artiste en fait un usage fréquent, comme en témoigne la critique de l’historien d’art Paul Mantz à propos de l’Exposition universelle de 1878 « Monsieur Bonnat a adopté depuis deux ans des fonds lie-de-vin de l’aspect le plus arbitrairement désagréable. L’élégance des modèles appellerait une atmosphère moins suspecte »
Selon une manière qui lui est propre, l’artiste utilise la technique du frottis pour le traitement du fond, modulé à petits coups de pinceau, rendus perceptibles par l’emploi de deux tons, brun-rouge et noir. Le halo noir qui sert de repoussoir à la figure ainsi que la zone plus claire de la partie inférieure confèrent toute sa profondeur à la composition. Plus qu’à la physionomie de son modèle, c’est au traitement de la robe que l’artiste consacre tout son soin, et la lourde étoffe aux reflets nacrés lui donne l’occasion d’une démonstration de virtuosité picturale.
© MBA Tours, cliché Gérard Dufresne